Mots dits vers

DEBRIS DITS VERS (2002 – 2003)

SOMMAIRE

1. Orléans
2. Point final
3. Fidélité
4. Puisque…
5. Mon automne
6. 7 octobre 2001
7. Temps de guerre
8. C.V.
9. Toussaint
10. Ce n’est plus toi
11. Mauvais coeur
12. Sonnet d’hiver
13. La guerre est finie
14. Jour de brouillard
15. Re…
16. Insomnies
17. George : des CD
18. Destin
19. Train de banlieue
20. Rupture
21. Rupture 2
22. Rupture 3
23. Rupture 4
24. Rupture (fin)
25. Voeu pieux
26. Guirlande de Noël
27. Conte de Noël
28. La page livide est tue…
29. Sonnet de reconnaissance
30. Souvenir
31. J’aurais voulu être votre ami
32. Elles s’en vont toutes
33. TER
34. Orientale (Pastiche)
35. Trouver la sortie
36. Théorème
37. Mensonges
38. Vents contraires
39. Fête afghane
40. Impermanence
41. Dernier cru
42. Métro
43. Western junior 1.
44. Western junior 2
45. Sonnet de saison
46. Bar de nuit
47. Silence
48. Temps de Toussaint
49. Désastre
50. Jour de pluie
51. Gueule de bois
52. Chant de Noël
53. Pour faire un chant de Noël
54. Et la neige a tout enfoui
55. Columbia
56. Les poètes du net
57. Ballade de la Saint Valentin
58. Black Powell
59. Chanson du va-t-en guerre
60. Sonnet des règles de l’art
61. Printemps
62. Après guerre
63. Le printemps est en guerre
64. Larmes d’ébène
65. Embrasements
66. La guerre en direct
67. Destins croisés
68. Apocalypse
69. Qui a voulu cette guerre ?
70. Nuits de printemps
71. Pensées pascales
72. Vain temps
73. Autre nuit de printemps
74. Le lamento du rimailleur
75. Déambulations
76. Sonnet noir
77. Ballade que le temps emporte
78. Requiem pour un amour défunt
79. Fin de partie

***

1. ORLEANS

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Pamphlet…

Tu es au centre
Concentriquement centripète
Tu évacues ce qui n’est pas courbe
Et ne se dilue pas dans la houle circulaire
De ton nombril caché
Au fond des replis adipeux
De ton abondance satisfaite
Bourgeoisement assise au milieu
De la sphère repue de tes certitudes
Qui font que le monde reste le monde
Et se perpétue ainsi
Dans sa soporifique ronde
Qui tourne sur elle-même
Sans bouger

Orléans ville néant

Centre
Qui converge vers toi ?
Ah ! oui la vierge qu’on dit Pucelle
Et qui trône au milieu de ton Martroi
Dans son bronze figé
Jehanne la bonne lorraine
Qui bouta l’Anglais hors de céans
Et toi tu défiles autour
-Tous les ans-
De ce haut fait
Ah ! vive celle qui repousse l’étranger
Ah ! vive celle qui ne vit que dans la contemplation
Des saintes visions
Et qui blanche s’évade en fumée
Vers l’immaculée postérité
Hissez bons bourgeois
Au grand pavois
Tous les étendards sur les tours
Et marchez
Dans les pas droits
Des scouts d’Europe
Suivez leur mâle hommage
Devant le symbole
De la virginité sauvée
De la pureté retrouvée
Et qu’au feu brûlent les sorciers
Ces gens qui ne sont pas d’ici
O vertu blême de la rectitude trouble
Des soldats perdus de l’ordre
Qui encadrent les cœurs friables
Dans le sabbat du salut
Main tendue
Vers les lubies grises
Les crucifix gammés
Les croix étoilées

Orléans ville néant

De ton passé cité assise
Je ne vois que deux évêques
L’un Tacque Thibault
Qui tortura maître François
En le saoulant à satiété
De mauvaise eau à boire
Puis le disposant au jeûne
Dans l’oubliette indigeste
Dans la dure prison de Meung
Prélat bourreau tu n’existes à présent
Que par la souffrance
Que chantent les vers du poète
O lui seul sait vraiment changer
L’eau en vin au bout d’une rime complice
D’une gaudriole de mots
Sur ta mitre fripée
Autant que ta moue de justice indigne
Tu n’es plus ô évêque
Pour l’éternité
Qu’un mince filet de bile sur le Testament
L’autre compère de sacerdoce
Bien plus plaisant
Bon père Dupanloup
Que durant ma jeunesse je célébrais
D’un verre à l’autre
En chantant tes exploits
Démesurés
Il m’arrive -mais c’est rare
Triste ville d’errer
Dans le désert de ton centre
Sur les bas côtés vides
De ta cathédrale terne
Rendre grâce à celui qui fut
Plus vivant mort
Et qui chante encore
Dans les cabarets de ma mémoire
Parce que ses vertus sont
Virilement humaines
Et non vicairement ecclésiastiques

Orléans ville néant

Couvre-feu
Interdit de circuler
Il n’y a rien à voir
Ta nuit est un ennui décrété
Qui étouffe toute lumière
(Si ce n’est pour ta Pucelle…
Ah ! que se lèvent alors
Dans la pénombre
Les flambeaux dressés
Vers l’héroïque vierge)
Désert de la pensée
Frilosité des idées
Tramway d’anticipation
Dans une cité du siècle dernier
Gare rurale qui va nulle part
Et qui stoppe devant ton effroi ventru
Ville du vide
Ton seul destin est d’être
Banlieue
Paris la torve aguicheuse te lorgne
Et bientôt tu ne seras plus
Qu’une bouchée de pain perdu
Dans son insatiable Léviathan
Ta fatalité centripète te colle
Comme une mauvaise pâte
Aux graffitis des banlieues
Aux cris du rap
Aux hordes sauvageonnes
Dont tu brandis la hantise à chaque instant

Orléans ville néant

Seule au fond là-bas
Au sud
Vers ta forêt de Sologne
Vendue au plus offrant
Pour garder les chasses propres
Et bien privées
Il y a la Source
Voltairienne et insolente
Intelligente et basanée
Où la culture se mêle au savoir
Monde ouvert qui se mélange et s’appelle
Où les salam vous saluent
Et qui lève
Dans sa nuit de banlieue assignée
Le doigt de ses tours d’épouvante
Vers les affres frileuses de ton dos courbé
Et qui rêve
D’un demain ressurgi
Dessiné en couleur
Et qui répand ses odeurs
De piment et de miel
Dans une danse rituelle
Où s’ouvrent
(Malgré les barreaux de ta pluie)
Ses mains moites de chaleur humaine
Vers un soleil offert
Cercle convergeant de l’amour
Qui brille à l’unisson des mots scandés
Quand autrui n’est plus n’importe qui

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***

2. POINT FINAL

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Un jour
-Tant pis pour toi-
Le silence tombera sur mes pas
Mon portable s’ouvrira sur l’oubli
Ma messagerie soliloquant à l’infini
La même politesse du refus de l’écoute
Et je ne laisserai aucune trace
Tous mes contacts seront rompus
De répondeur en répondeur
Sur l’écho bavard de l’absence

Un jour comme ça
Un jour banal
Un jour de rien
Tu te lèveras le matin et tu te diras
« Tiens il n’a pas appelé depuis longtemps »
Parce que mon silence ressemble à tes vacances
Parce que ce néant à la place de mon nom te va bien
Parce que tu t’en moques de mes mots
De mes vers que je tresse jusqu’à l’aube
Comme un dément
A chercher le son juste
Le rythme qu’il faut
Trouver le ton
Mais
Tu n’écoutes pas mon cœur qui bat
Et tu n’entends rien
Tu t’en fous de mes frissons qui dansent
De mes doigts balbutiant sur les touches de mon désir
Clouté sur ce clavier
Je plante les arbres virtuels de mes rêves
Je galope toute la nuit
En quête de l’amour total
Et je tombe
Comme de l’eau de rose sur une pierre tombale
Je dévisse
Sur tes avis lisses
Et glissent
Mes pensées offertes
Mes bouquets en pure perte
Que délave le flot de ton indifférence

Je me suis trompé d’histoire
J’ai pris le mauvais train
Je cours encore à côté de moi-même
O poème de la lucidité
Qui écarte devant moi
La jungle aveugle dans laquelle je me perds
O limpidité des mots qui défrichent enfin
Le seul sentier salubre
Mon sillon de sauvegarde

Notre amour ne nous vaut rien
Ce n’est qu’un navet de plus
Né de nos naïvetés nouées
Notre fade feuilleton
Qui rebondit de cliché en cliché
Mise en scène sans saveur
Scénario à l’évidence subodorée
Qui aurait dû déjà finir depuis
Peut-être deux ans
Peut-être plus
-Oh ! tu peux couler sablier
Le temps n’a plus d’importance-

Je ne veux plus être jouet
Dans le destin de ton corps
Je ne veux plus consumer mon sang
Dans ton silence
Quand tu brûles
Tes paroles pour d’autres verbes
Tes phrases pour d’autres textes
Glacé par tes lèvres closes
J’ai lu le verdict
Et je sais
Que ce que je t’offre
Ne pèse pas plus
Qu’une de mes larmes perdues
Dans la tempête de tes sens
Quand ton corps exalte ses mensonges
Alors
Que vienne le dégel
Que se lèvent les vagues
-O raz-de-marée sur ma vie ! –
J’accepte la douche totale
Le lavement définitif
Le point final
Le veuvage
Le deuil

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(Mais je sais trop bien
Que demain
A bout d’absence
Transi d’angoisse
Je tremblerai
En t’appelant pitoyable
Sur ce portable hypocrite
Qui me dédit et me détruit)

***

3. FIDELITE

A Yasmine, à Blaise,
Souvenir de la nuit du 15

Fidélité
Fidélité à l’eau qui fuit
Au flot sans repère
Au flux qui s’exaspère
De nos cœurs de ressac
Qui dans une impossible danse
Valsent lents à l’envers des vagues

Fidélité
Fidélité à l’étincelle
Au cri éclaboussant
D’une étoile de passage
Aux baisers éphémères
Mais qui laisse en pleine lumière
A l’ombre de soi
La mémoire friable
Du fragile fil de soie
Que scellent de leur suc
Les vers luisants
Qui se souviennent

Fidélité à l’instant
A l’impalpable moment
Magie arrachée au temps
A ces mots volés
Qui débordent crus
De l’envol
Des corps déployés
Intrépides ailes vives
Qui relèguent Icare
Dans son douloureux dédale
De rues insipides

Fidélité
Au frémissement
De mon âme enchâssée en toi
Toi une
Toi plurielle
Sur la montagne de l’amour
Que se multiplie la chair
Heureux ceux qui s’aiment
Quel que soit le serment
-Ubiquité du cœur battant-
Vois sur cet écran de paroles
La pèche miracle
La virtuelle parabole
La béatitude nouvelle
Au détour d’un vers
Au rebord d’un rêve
Au lever d’un verre
Et que coule alors
Cet alcool pur
O mon eau de vie

Fidélité
A ces minutes nues que je retiens
Au miroir éberlué des liens débridés
Là où s’unit
Le double en l’un
Dans les soubresauts assoiffés de ce cahot affolé
Rythme originel
D’où l’on vient
Et où l’on revient en rampant
-Brave soutier de l’âme-
A la quête insatiable
De l’autre

Fidélité
A la voie lactée
Qui se noie en nous
Et transporte sur sa traîne lyrique
Les paroles dénouées
De nos corps ancrés

Fidélité
A cette vie maudite
Qui s’éparpille
Et se perd
-Poussière ocre à travers le sablier de mes doigts-
Qui hallucine le futur
Et nous souffle pourtant
Nos éternels débuts

Fidélité
Au commencement
Au re-commencement
A ce toujours
Qui revient
Pour se nier lui-même

Fidélité
A ce qui nous reste
Face aux bombes kamikazes
Que la mort amuse
Au temps encore épargné
-Vite une sauvegarde ! –
Avant que ne s’explose la folie
L’orgie du sang des autres
Les noces sataniques du néant
La saoulerie des bûchers modernes
Ivres des mots que l’enfer dénature

Fidélité
A la main inconnue
A qui sans me lasser je tendrai
Mon simple espoir
Au sourire ignoré de l’autre rive
Au pont futur de nos frissons échangés
Pour franchir à deux le vertige
Des destinées terrassées
Des basses-fosses de nos vies
Et toujours y croire
Et ne jamais cesser
D’y croire
Et que ce soit à chaque fois
La première fois

Fidélité
A celui qui cherche
Sachant qu’on ne trouve rien
Mais qui
Au delà des barreaux des certitudes
Par son doute serein
Aura fleuri
D’un insolent parfum
L’écho
De ses pas

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***

4. Puisque…

Puisque
D’un coup de cutter
On décapite Manhattan
On biffe trois mille vies
On bafoue vingt siècles…

Puisque
Nous descendons le cours
Du temps
Puisque
Nous remontons la lie
De notre mémoire

Puisque
Un tag indélébile brûle
Sur les fresques
De notre fierté effondrée
Et bombe en riant
Une tâche de sang
Sur notre bonheur épargné

Alors
Au moment où se tait l’histoire
Je ne panserai plus de fleurs
Les pauvres plaies de mon cœur

Alors
Pris par la fumée
De nos utopies
J’offrirai mes pleurs
A ce que nous fûmes
Sur le marbre terni
De notre folie
A couper
Au cutter

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***

5. MON AUTOMNE

« Mon automne éternelle ô ma saison mentale
Les mains des amantes d’antan jonchent ton sol »

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Mon automne je viens mouiller chez toi
Cinglé par le vent sec des souvenirs
Fouet félon qui décoiffe de sang froid
Mes promesses branches sans avenir
Bois morts qui se consument sans émoi
Les arbres abandonnant tout désir
S’ébrouent figés dans des gestes d’effroi

Saison mentale ô mon reflet fidèle
Toi l’éventée que j’avais bafouée
Pour fondre sous des soleils sensuels
Mon spleen torréfié par des doigts de fées
Sabbat lascif des sueurs éternelles
Quand les fétiches des soirs assoiffés
Dépouillaient le temps de son rituel

O mes antiques automnes perdues
Quand je versifiais sans fin mes secrets
A l’ombre de poèmes toujours tus
Quand j’ignorais pétrifié de regrets
Qu’un cœur se livrait du fond d’un refus
Quand naïve ma main en vain s’ouvrait
Vers celle-là qui ne la prendrait plus

Que s’entassent les feuilles sans essor
Flétries comme les paroles jaunies
Des lettres d’antan qui pleurent leur sort !
Hypothèque sur ces baisers de suie !
Que le carton pâte du vieux décor
Pâle déchet de l’échec qui me suit
Explose dans les spasmes d’autres corps !

Savez-vous pourtant flammes de déboire
Que reliques rances de mes remords
Vous sommeillez toujours dans mes tiroirs ?
Et mon encre séchée y saigne encore
Mes phrases fanées alignées sans gloire
Se lamentent de l’oubli des aurores
Même quand mes yeux rouvrent leur mémoire

En ces temps fous de brouillard kamikaze
Quand l’aube en deuil étouffe l’espérance
Sous les soupirs de son voile de gaze
Je songe aux vœux de mon adolescence
Muet devant vos sourires pégase
Noué par la rougeur de mon silence
Mes fantasmes désagrégés s’écrasent

Vous êtes désormais mères comblées
Des matrones encerclées de marmots
Les lits que vos maris ont désertés
Mornes s’encombrent de soucis d’ados
Vos corps nus aux appas dépareillés
Sentent sombrer dans un flot de sanglots
Leurs désirs comme un bateau démâté

Où sont-ils donc enfuis nos fruits trop verts ?
Mes serments écarquillés dans vos yeux
Vos lèvres qui givrent mes vers d’hier
Mes frissons clandestins dans vos banlieues
Les parkings où vos corps se sont ouverts
Où sont-ils cachés nos horizons bleus ?
Le sable impassible du temps se perd

Moi qui pour toujours vous avais quittées
Sans espoir de retour punies bannies
Moi qui vous avais à jamais brûlées
Au bûcher vif de la sorcellerie
Qu’un soleil lubrique sait allumer
Pour de la transe mystique des nuits
Faire jaillir d’un cri le verbe aimer

Me voilà vivant devenu fantôme
Errant parmi les mèches de cheveux
Les photos les brouillons les premiers tomes
Malgré la traîtrise du temps je veux
Tromper ma vieille compagne d’automne
Me ravager pour de nouveaux aveux
Tisser des rêves que mon cœur étonne

Sur l’échancrure d’un parfum fugace
Voici qu’un brasier de baisers s’allume
Même meurtri jamais je ne me lasse
Des chimères charnelles que j’écume
J’abolirai ce temps pervers qui passe
Qui délie qui avilit qui consume
Par le poids des mots mouillés que je trace

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***

6. 7 OCTOBRE 2001

Dors ma fille
Que tes rêves volent à bon port

Dors ma fille
Ton drap se voile sur toi
Comme un ciel de toile
Où germent des étoiles

Dors ma fille
Ailleurs
D’autres se terrent
Sous une chasuble de cendre
Les rictus de la peur
Echappent au regard
Sous la grille des préceptes fous

Dors ma fille
Un ciel s’illumine
Du ballet recommencé
Des missiles
Des skuds et des Tomahawks

Dors ma fille
Pendant ton sommeil
La mort est à l’ouvrage
Notre belle époque
Lui donne tant de travail
Cette année la Toussaint
Sera bonne

Dors ma fille
Notre siècle naissant est grand
Lumineux et puissant
Dans son costume de sang
De terreur et d’horreur
La fée carabosse a piqué
De son venin aérien
La belle au bois dormant
Et ses maléfices tombent du ciel

Dors ma fille
Ne te réveille qu’avec la paix
Alors
Prends ton temps
Tout ton temps
Dors ma fille
Dors…

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***

7. TEMPS DE GUERRE

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Le néant nu dévide sa béance
Le long de l’inanité livide
De nos lendemains perdus
L’horizon artificieux se gerbe
De fabuleuses floraisons d’obus
Sang pour sang éclaboussant destin
Parfum fascinant et rampant
D’une mort moderne et microbienne

Tu me manques

Les paroles s’envoient des gifles
S’apostrophent à coup d’images
Sur des écrans qui mentent
Les anathèmes explosent
Au nom du verbe
Et les livres bénis délivrent
Des permis de tuer
Visa garanti pour un au-delà détourné
Vers lequel percutent
Les promesses

Tu me manques

Le Che s’est réveillé
Sous le pansement sec
De son nouveau turban se répand
L’hémorragie de ses pensées de sang
Les cow-boys chevauchent
L’acier fulgurant
De leur hémiplégie
Wanted
S’écrit sur les missiles humanitaires
Et les dons de riz bombardent
La cohue courbée des femmes cloîtrées

Tu me manques

Abruties par la fournaise qui s’effondre
Nos certitudes soûles titubent
Quand le ciel s’éparpille en charpie de feu
Les bruits de Babel nous hantent
Des guenilles neuves pour le retour à la horde !
Des cordes pour pendre les prophètes !
Tous les dieux déchus déchirent
Le brouillon brûlé de nos écrits
Et les lettres trahies tracent au cutter
Sans sursis leurs verdicts définitifs
Les avions en cendres montent au paradis
Et retombent en pluie de tomahawks

Tu me manques

Demain existe-t-il ?
Nos débris épars sur la carte
Seront-ils encore dignes de vie ?
Les gémissements du futur grinceront-ils
Du haut d’un chaos de pierres
Du fond du désert revenu
Sur nos idées asséchées ?
Le verbe aimer se conjuguera-t-il toujours
Du bout d’une baïonnette ?
Et la liberté sera-t-elle autre chose
Que cette statue de sel baillonnée ?

Tu me manques

***

8. C.V.

Tant pis
Si vous pensez
Que je me nombrilise
Que je me shoote à l’ego
Que sur l’aile de mes mots
Je m’envoie
Au ciel intime -numéro sept-
De l’auto contemplation
Je vous laisse
En guise de C.V.
Ce vrai faux
Bio-poème

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Tant pis pour ceux
Qui pensent
Que les miroirs sont faits
Pour être interdits
De réflexion
Alors tout de go
Partons à la quête pugnace
Des traces
De ce Moi fugace
Qui s’espace
De mois en mois
Ecorce coriace
Du temps qui passe

I.

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Lyon
Ville romaine qui rumine
Sa Renaissance
Rue d’hier où ventent toujours les vers de Louise
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Belle Cordière mon amour d’antan
Qui défie l’eau qui court
Et à jamais baigne notre colline
Là où souffle un éternel parfum d’Italie
O mon cœur de pierre
O mon âme pavée où sont scellés les souvenirs
Mes traboules troubles complices
Mes tours où transitent les pigeons
Et qui soulignent
De leurs furtifs mouvements de plumes
La courbe de tes seins que tracent mes mains
Au long de ces dimanches clandestins
Quand nous apprenions à conjuguer
Les verbes des amants
En tremblant de toute notre hâte
Vers les rivages secrets
Noués en silence dans nos étreintes cachées
Esquisse d’un bonheur entrevu
Au-dessus des toits
Léger
Comme un vol de martinets

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Lyon
Ma seule fidélité
Partout
Je me suis éparpillé
Voyageur volage
Vagabond impénitent
Expatrié trempé de nostalgie
Nomade professionnel
Je vous ai trompée
O Madame Récamier
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Avec les parfums osés de l’Asie
Avec un piment brutal de tam-tam
Qui brûle encore mes tempes
De son odeur aiguë
Qui bâillonne mes sens
Transe inarrêtable d’une nuit à jamais somnambule
Mais toi que j’ai fait semblant de quitter
C’est vers toi que je reviens
Tes toits perchés qui se hissent
Sur les colimaçons de leurs escaliers
Pour qu’on puisse leur faire signe
Du haut de la colline
O mon vieux Lyon
Que se secoue la crinière de mon adolescence
Dans la savane hérissée de tes rues
Là où je chante à tue-tête
Taste-Vin en main
Emporté par notre troisième fleuve
Qui rougit la vie
Qui noie la mort
Et les visages aimés qui m’ont dit non

II.

Sable
Forêt
Sueur
Nuits
Danses
Corps qu’exaltent le parfum des pluies
Et qui définitifs impressionnent
Les pellicules nues de mon âme
Sous les paupières closes d’une obscure porte
Qui sans cesse s’ouvre
Où le sourire illustre les hanches
Et les lèvres vivent leur regard
Lorsque les amazones posent leurs seins
Sur la houle de l’océan sombre
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Mamy Wata se cambre d’une dune à l’autre
Et la lune sait donner de son corps
Aux poètes des mots
Qui ne savent que faire de leurs mains
Désir transparent qui s’offre en un bouquet
De moiteur et d’ardeur
Ici monte un feu de nuit
En une longue flamme d’artifice
Qui jaillit de l’airain
Et sculpte le futur en une étreinte
Sans astreinte ni contrainte
Qui coule fleuve tumultueux
Le long de tam-tams phalliques
Qui trépignent en cadence
Et de ces inutiles draps -ô drapeaux froissés-
Font
De voluptueuses voiles
Qui partent à la conquête
D’une immatérielle voie lactée
Qui explose encore
Dans ma mémoire dévastée
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Afrique
Moi le Toubabou mordu
Jusqu’au sang
Jamais plus je ne serai un livide témoin
Un blême rejeton au teint rose incarné
Qui niais sourit de son lait écœurant
Moi ma vie sera métisse
Ou ne sera plus

III.

Amours
Vous m’avez tant baladé
D’hier à aujourd’hui
Que je ne sais plus où est ma boussole
J’ai perdu depuis longtemps le nord
Et je cherche encore l’aurore
Moi que le crépuscule aborde
Moi qui m’obscurcis de demains qui rapetissent
Où suis-je ?
Dans quel temps vivé-je ?
A qui suis-je fidèle ?
Au technocrate décontracté qui joue au grand
Déguisé en cravate et encadré de costume gris ?
Au faux mari qui fuit les cris des enfants ?
Au mauvais amant qui guette l’espoir dans l’effraction
De baisers maquillés que galvaudent la rumeur
Et qui les dissimule mal dans des vers amers ?
Dis finalement
Qui es-tu toi ?
Tu arrives à la mi-temps du match
(Et peut-être moins)
Et -tu le sais-
La partie se jouera sans prolongations
Sans tirs au buts
L’arbitre impavide
Sifflera quand il le voudra
La fin du jeu
Dis qui es-tu ?
Où en sont donc tes rêves ?
Qu’as tu fait de ton temps ?
Que te reste-il de tous ces brouillards qui levaient le jour ?
De toutes ces étincelles que tu as volées
Du fond de l’épaisse nuit de ce passé
Quel cri digne de rester
Jaillit encore
Pour lanciner le présent ?
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O cohortes de mes femmes perdues
O mes immenses amours éternelles
En noir et blanc
Film momentané
Flash incandescent qui brûle dès qu’il apparaît
On ne vous aura pas laissé le temps d’être mes muses
Et la musette de mes mots
A laissé perdre tous les détours
De mes poèmes antiques
Posés sur vos lèvres
Ou dans vos boîtes à lettre
Pour tenter de vous plaire

Marie Khady
Chantal Djamila
Léa Ariane Aïda…
Et les autres…
Ecartelées aux quatre vents du ciel
Etoiles pâlies
Je sais vous avoir si mal aimées
Et mon cœur -éponge usagée-
Se tord d’un remord inutile
Que ces nouveaux vers qui partiront
Tout à l’heure
Au hasard de la toile ouverte de l’espace
Et qui d’un miracle
Peut-être
Toucheront un peu de votre peau
Pour vous offrir enfin le frisson depuis si longtemps promis

Et vous
(Dont je tairai le nom)
A la fois mon futur et mon présent
Mon virtuel cadeau d’aujourd’hui ou de demain
Je tresse pour vous mes mots
(Je ne sais faire que cela…)
En forme de fleurs
Et que ce parfum de phrase nous porte
Vers la rencontre totale
Là où s’unissent
L’univers et l’unique
L’ombre et le jour
Où l’horizon suit
La ligne des reins
Et que nos mains tenues
S’épanouissent en un miracle de colombe

IV.

Alors
De tout cela
Que me reste-t-il ?
Vous mes maîtres
Mes amis mes frères de souffrance
Mes donneurs de vers
Que je contrefaits piteusement
Immodeste ego
Du soi disant « peintre du net »
Et pourtant
Pardon
Si j’arrive à survivre encore
A sortir mes yeux larmoyants
De l’eau boueuse
Des charniers métaphoriques
Ou trop réels
Qui peuplent nos vies dérisoires
C’est à vous que je le dois
Par vous
Je peux oser un pas
De la survie vers la vie
François d’abord
frvil.jpg
Et Clément Johachim et Pierre
marot.jpgimages.jpgimages-5.jpg
Et Jean et André
la-fontaine.jpg images-2.jpg
Et Alphonse Alfred Gérard et Victor
lamartine.jpgmusset-1.jpgnerval.jpghugo-4.jpg
Et Charles Paul Arthur et Isidore
baudelaire-2.jpgverlaine-et-rimbaud.jpgimages-5.jpg
Et André Louis Paul (pas le même) et Robert
breton-1.jpgaragon1.jpgeluard.jpgdesnos.jpg
Et puis tant et tant que mon ingratitude oublie…
Et puis Guillaume…
apollinaire.jpg
Alors
Fort de tous ceux-là
Timide matamore
Je viendrai
Poser sur cet écran
Mes mots moroses
Mes images roses
Naïves d’orgueil
Vantardes dans leur vaine originalité
Mais sincères dans leur flot
Plus pleurs que larme
Plus plaintes que cris
Plus silence que bruit
Mais reflet d’une parcelle de chair
Miroir pas trop menteur
D’un cœur qui décida un matin de s’arrêter
Pour toujours à vingt ans
Et cela fait trente ans que ça dure
Et pour longtemps encore
Au bon plaisir de l’arbitre

V.

Tant pis
Si vous pensez
Que je me nombrilise
Que je me shoote à l’ego
Que sur l’aile de mes mots
Je m’envoie
Au ciel intime -numéro sept-
De l’auto contemplation
Je vous laisse
En guise de C.V.
Ce vrai faux
Bio-poème
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***

9. TOUSSAINT

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Le béton titube grisé de brume grasse
L’humidité timide en long voile larmoie
La nuit ronge le temps le soir saisi se glace
Cette fois c’est fini notre amour meurt de froid

Les souvenirs figés plein de respect nous offrent
Leurs condoléances flot lourd des chrysanthèmes
Sur nos anciens joyaux refermons le vieux coffre
Les feuilles s’effondrent lassées de nos « je t’aime »

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***

10. CE N’EST PLUS TOI

Tu étais sirène
Ton sourire dansait sur l’eau
Tu m’a appris comment
Epouser les frissons des flots
Sentir battre en toi
Les vagues nues d’une mer veloutée

Mais ce n’est plus toi

Tu étais prêtresses de mes nuits
Et tu chaloupais mon âme
Arrimée dans les arabesques du rythme
Qui montaient en spots tumultueux
Dans l’aube des cris dévoilés
Sur mon cœur déshabillé

Mais ce n’est plus toi

Tu étais amazone
Et tu montais
Sur les chevaux du ciel
Ton rire savait m’ouvrir les nues
Et tu me hissais
D’un mot sésame
Jusqu’aux sommets inavoués
De nos corps soulevés

Mais ce n’est plus toi

Tu étais don
Tu étais offre
Tu étais pardon
Tu étais mon corps
Et j’étais toi
Et j’étais foi en toi
« Il était une fois »
Comme dans les contes d’autrefois
Comme mes rêves à jamais adolescents
Comme mes héros d’antan
Comme toutes ces photos azurées
Qui ruissellent de bonheurs chromos

Mais ce n’est plus toi

Et je contemple aujourd’hui
Touriste désabusé
Les ruines lumineuses et tristes
Du palais de ma vie

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***

11. MAUVAIS COEUR

N’as-tu pas honte ?
N’entends-tu pas les bombes qui tapissent les villes lambrissées ? Les canons qui défrisent les murs en dentelle ? Les missiles qui corrigent d’un éclat de mort les erreurs des architectes ? Sculpteur éternel de la pâte humaine envoie-nous tes pluies de tomahawks exécutant leurs danses de nuits dans des gerbes de cris qui fleurissent l’horizon… O retour en beauté des vols de B 52 ! O revenez mes vieilles rizières humides d’où jaillissaient les fillettes napalmées ! O mon miraculeux siècle technologique ! O savants ordinateurs qui programment les feux d’artifice toujours recommencés… Hanoï Beyrouth Bagdad Belgrade Kaboul… Cohorte magique des villes des mille et une nuit qui s’éclatent en un fastueux champignon… O retombées des saisons sanglantes en bruines acides… Notre futur le plus pur sera Hiroshima ou Nagazaki ! Panache final… Surtout en partant – ô hommes grandis d’irradiation – ne pas oublier d’éteindre les lumières… Laissez aux mutants de vos demains désagrégés – êtres translucides aux poumons délavés et aux yeux mornes – le soin de les rallumer…
Dans dix mille ans si tout va bien…
Dis n’as-tu pas honte de ne voir que ton nombril larmoyant dans cet univers en vrille ?

Non car j’ai mal au cœur

N’as-tu pas honte ?
N’entends-tu pas les cris de la faim ? Les hordes en guenilles des enfants de la disette ? Interminable ramadan de la misère… Les bouquets crispés des mains anémiées qui rêvent un grain de riz dans chaque seconde de sommeil arrachée au vide de leur vie ? La cohue hirsute des convois de la peur quand le monde se divise en deux morts : la bombe ou la faim… Les femmes que l’on voile pour ne pas montrer la peau blême du besoin… Les femmes grillagées qui offrent leurs larmes au silence de leurs nuits… Les femmes lapidées pour avoir osé aimé au-delà des murs… Retour des ombres et des brouillard… Eternel squelette de notre existence mutilée… Plaisirs obscènes des chairs aux os exhaussés… Humiliation programmée au soleil de l’abjection… O notre brave centenaire aura su être un bon bourreau : Arménie Dachau Biafra Rwanda Sabra et Chatila Sarajevo… Chapelet purulent d’une dégoûtante gonococcie des idées… Peste brune aux relents posthumes… Sida hideux qui nous gangrène la tête… O Vingtième inventif nous te devons tout ça… Nous tes enfants maudits rebondissant de charnier en charnier nous n’aimons rien que la charogne… L’homme est hyène pour l’homme et nos errances ont des puanteurs de désert désossé… Un jour reviendra peut-être un Petit Prince étonné qui demandera aux racines tordues de lui dessiner un mouton ou une colombe… Parce qu’on ne pourra plus rien savoir sans déchiffrer les fossiles obscurs que le vent froid du néant aura sorti de leur gangue millénaire de sable nucléaire…
Dans cent siècles si tout va bien…
Dis n’as-tu pas honte de te morfondre dans les pleurs que tu te complais à étaler sur l’écran dans ce monde qui sombre ?

Non car j’ai mal au cœur

N’as-tu pas honte ?
Ne vois-tu pas autour de toi les couleurs de l’automne ? Ne vois-tu pas les arbres qui se tordent d’or dans des feuilles que le soleil polit de son cœur d’orfèvre ? Ne vois-tu pas l’alchimie lumineuse de cet octobre mordoré où tremble un soupir de vent qui laisse comme une odeur chaude d’amour et de luxure ? Ne vois-tu pas fumer la terre le soir et tomber la brume du matin dans son impalpable gaze moite qui te presse de ses caresses… O mère nature qui nous prend encore en nous comme le parfum de nos âmes qui monte en chrysanthèmes sur les tombes du souvenir… O permanence des êtres… O vie qui sait revenir de l’au-delà comme ces fleurs qui germent sous les gibets… Mémoire des murmures dans l’eau qui roule ou la mer qui se houle ou le torrent qui roucoule… Sais-tu que nous reviendrons toujours ? Que même le sable définitif de la folie finale ne sera jamais qu’un linceul de poudre d’où pousseront un jour les fleurs de demain… Que même tes minuscules peines… Tes microscopiques écorchures que sans vergogne tu affiches à plein écran que sans pudeur tu ouvres aux vannes prolixes du carrousel répétitif de tes mots racoleurs… Tes imperceptibles bruissements de brûlures un jour s’effaceront… Car c’est notre destin d’être oubli pour mieux recommencer…
Dans dix mille ans si tout va bien…
Dis n’as-tu pas honte de filer la même quenouille d’images en miroir masturbatoire de ton émoi métaphorisé sur cette terre à l’envers qui se désespère ?

Non car j’ai mal au cœur

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***

12. SONNET D’HIVER

Voici venir l’hiver bise aigrie tout en gifles
Trouble turban sali par les neiges sanglantes
Sous le gel nucléaire un vent d’alerte siffle
Mon cœur fond en flocons charpie de larmes lentes

Voici venir l’hiver et l’horizon se frise
Au parfum stupéfiant d’une âpre apocalypse
Le néant nous charme mes vers givrés se brisent
Sur l’oubli de ton corps mes souvenirs s’éclipsent

Voici venir l’hiver futur verbe final
Demain est un fantasme aux images fatales
Où s’animent nos mots faux miroirs anémiés

Notre siècle a un an vois-tu mon vieux Victor
Si de l’ombre ta voix si forte porte encore
C’est que le fruit d’Adam pend toujours du pommier

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***

13. LA GUERRE EST FINIE

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Les barbes tombent
Ici la liberté s’épile
Le rasoir sculpte
La statue glabre
D’un avenir imberbe
Qui épelle les mots de demain
Sur des tapis de poils réchappés

La guerre est finie

Les grotesques chasubles
Grilles devenues solubles
Infâmes
Fondent de honte
Sous le sourire offert
Des filles revenues

La guerre est finie

Parmi débris et gravats
Ruines et larmes
Zigzague
Une musique insolente
Qui griffe de ses arpèges
Les restes muets
Des anciens murs

La guerre est finie

Les enfants ravagés
Des prêtres fous
Bardés de leurs visas de certitude
Vers l’au-delà voulu
Et ses houris promises
Gisent
Lacérés de crachats de sang
Sous la rancune des regards

La guerre est finie

Comme hier
Des vols d’avions passent
Mais ils s’en vont pondre
Leur fiente de feu
Plus haut plus loin
La mort enturbannée est dure à taire
Et la blessure n’en finit plus de hurler

La guerre est finie

Le même microbe obscur
Se terre encore
Dans les replis glauques
Que nos grottes intimes
Secrètent

La guerre est finie

Un ramadan de neige
Enveloppe le temps
Et couvre
De son pansement affamé
La longue plaie afghane

La guerre est finie

Mon cœur humanitaire
S’envolerait volontiers
Vers ce champ de cendre
Où la vie repousse
Pour cueillir
Comme un pavot ouvert
Un nouveau rêve de femme

La guerre est finie
Et l’amour infini

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***

14. JOUR DE BROUILLARD

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Je ne sais plus où va mourir mon horizon
Un vin sec d’angoisse vendange mon futur
Et le piment pervers des souvenirs asperge
Les plaies où acide mon passé se décline

Moi qui ai gaspillé l’amour fou à foison
La solitude m’offre un vieux veuvage sûr
Je serai ce marin qui erre sur la berge
Et qui hante la mer des remous qui le minent

***

15. RE…

Repartir à zéro
Remonter le bas vers le haut
Ramasser les morceaux de l’ego
Et revoir Eros pour y croire encore
Errer le long d’un rêve en rose
Pour que brûle ce Phénix d’osmose
Brasier osé qui allume nos corps
En une nuit inouïe où s’insinue l’aurore

Revenir de loin
Réinventer le matin
Le moment clandestin
Où la dentelle du destin
Gaze poreuse où voguent tes seins
Diffuse ses baisers d’embruns
Quand
Deux cœurs volés se prennent la main
Pour s’offrir en festin
Et déjouer d’un coup de rein
Les tics tacs mesquins
La tactique usée du temps
Ce vieil usurier radin

Reprendre pied
Remonter du fond du passé
Quand l’eau était en toi
Et que plongeur insensé
Je me noyais de joie
Dans la tempête de tes hanches
Et ton sourire croquait ma vie
Comme une lune en tranches
Et l’on savait alors apprivoiser
Le calendrier
Corrupteur des serments perdus
Celui qui aujourd’hui
Nous déshabille et nous livre nus
Au vent indécent de l’oubli

Renaître de ses cendres
Et cesser de descendre
Arrêter l’incendie de mémoire
Souvenirs sinistrés d’amères gloires
Où flambent les vieilles plaintes
Tragédie des manuscrits épiques
Qui se calcinent de dépit
Aigreur âcre de la suie
Bûcher incandescent
Qui dévore une image sainte
O mon Phénix mythique
Dis-moi comment

Repartir à zéro
Remonter le bas vers le haut…

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***

16. INSOMNIES

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Mes insomnies
Sont des zébrures livides
Qui sillonnent la peau opaque
De mes nuits postiches
Sont des griffures pâles
Qui de leur faux jour
Déchirent les draps vulgaires
Où s’empaquète l’ennui
Sont des sentiers lunaires
Où harassé j’erre en quête
D’un désir d’aurore
Sont des rayures têtues
Sur un vinyle dépassé
Qui ronde incessante
Fait flirter dans l’ombre
Les ondes alanguies
D’ un vieux reflet de bonheur

Mes insomnies
Se perdent dans un palais de glace
Où la mémoire se mire à l’infini
Et glisse sur ses désirs déchus
Ses images pieuses
Qui se cristallisent
Vitrail arrosé de fleurs noires
Au parfum éventé
Qui se volatilisent
Sur le marbre nu du silence
En une rosace muette
De soupirs fanés

Mes insomnies
S’étirent dans un labyrinthe
Où je dilapide mes antiques serments
Où je capte d’anciennes étincelles
Flashs étoilés du temps
Tagués sur les murs de la raison
Taches blanches de lumière
Dans ce dédale noctambule
Fresques d’antan
Où je cherche à coup de paupières
Les regards oubliés
Qui s’allument d’un mot tu
Sur des lèvres closes

Mes insomnies
Edifient un palais de mille et une nuit
Où défilent les fées
Qu’une folle fumée
A su voler au feu
Et passent Sirènes
Ou bien nagent Nymphes
Sans doute Muses soumises et nues qui songent
Peut-être Grâces qui dansent
Sur mon sourire écarquillé
Et puis tout meurt
En un seul soupir de cil
Epaisse massue d’un sommeil sourd
Qui pèse de tout son comas
Sur le tissu grossier d’un lit éteint
Que borde ce réveil secoué d’oreiller
Vertige décoiffé d’un matin de dérive
Le tapis volant
Tombe
Et Aladin a mal aux cheveux

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***

17. GEORGES : DES CD

John puis Georges
Le scarabée
Ne tient plus
Que sur
Deux pattes

Les étoiles sont filantes
Et passent

Nos gorges
Restent bouches bées
C’est le reflux
Des notes qui murmurent
Là où nos cœurs se grattent

Les années soixante
S’effacent

Le ciel forge
Nos destinées
Que tu aies plu
A une Jude qui dure
Ou à la fugace playmate

C’est toujours la descente
Qui menace

John et Georges
Des CD
Car rien n’est conclu
Vos guitares à la vie dure
A jamais annulent les dates

Les musiciens trépassent
Mais leur musique nous hante

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***
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18. DESTIN

Tu as brodé d’arpèges le feu que tu as ravi
Tu as rêvé les accords d’une harmonie sans frontière
Tu as brisé en notes les faux-semblants de nos vies
Tu as bercé nos ombres dans un tempo de lumière

Tu as vu sur tes sillons brûler les adolescents
Tu as branché sur micro des milliers de vies qui dansent
Tu as ouvert à foison des bouquets de fleurs d’encens
Tu as saisi l’essence ou le son féconde le sens

Tu as lové la beauté au creux de nos mains émues
Tu as posé nos lèvres sur un velours de peaux nues
Tu as duré au-delà de nos chagrins de l’été

Tu as fait choir le voile de nos timides écrits
Tu as soufflé sur nos mots un parfum d’éternité
Tu as rejoint au sous-sol les vers voués aux génies

***

19. TRAIN DE BANLIEUE

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La banlieue baille dans ses trains
Et les jours cahotent sans entrain
Nous passons
Compartiment fumeur de nos illusions
Les arrêts scandent notre ennui
La brume ne se lève que sur les rêves
Et les lèvres qui se taisent
Posent leur dépit sur le destin
Cohue vivante à demi-morte
Qui transhume ses paquets de vie
En quête d’elle-même
Au bout d’un matin vide
Qui se brûle en tabac
Sur les cendres du sommeil sevré
Songe inavoué volé au sourire voisin
Livre ouvert sur une parole close
Fumée camouflage pour occuper le silence
Banalité d’un journal pour taire le regard d’en face
Cahiers de cours ou copies anonymes
Tags sur papier pour ne pas parler
Au secours du bruit
A l’abri d’autrui
Où vont ces vies sans se voir ?
Les naufragés du matin s’enveloppent de brume
Et offrent le brouillard de leurs yeux
Au paysage blême que délave le jour

Et moi
Pris dans cette nasse
Englué dans les filets de mon cœur poisseux
Etranger au rite
De ces nomades habitudes
Où m’emporte ce train ?
Sinon à l’échec de moi-même
Eternel miroir de Narcisse
Où je me brise

Quel visage neuf
Osera défier l’illusoire reflet ?
O vous qui vaquez
Vers de mornes destinées
Offrez-moi une de vos pensées
Pour colorer d’espoir
Les feuilles d’automnes qui s’entassent
Sur mon agenda

***

20. RUPTURE

Ton portable a chuté
Et ta voix s’est éparpillée
En volée de cailloux
Lapidant la buée
De mes baisers sans réponses

Le vent a vidé son sac de griffes
Et tout est tombé
En dessous de zéro
Le temps ne remontera plus
L’échelle de nos bras baissés

Les cuivres usés de notre vieux soleil
En vain envoient leur blues blasé
La clarté du jour meurt sous la batterie
De tes cris martelant notre amour
Et la nuit s’empare de toutes les cartes

Le futur est un glaçon perdu
Qui cherche son verre
Les mots durcissent comme l’eau
L’impitoyable police du gel
M’interdit les larmes

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***

21. RUPTURE 2

Prendre mon courage à deux vins
Me couler dans le flux
Et y noyer mon futur

Surfer sur la mousse
D’une dernière bière
Et m’asperger de souvenirs

Boire les déboires et croire
Qu’au bout d’une ultime gorgée
S’ouvrent les vannes de l’avenir

Tituber de dépit
Et déchirer les débris de sourires
Qui insultent les photos

Devenir noir pour de bon
Au bout d’un alcool sans appel
Et tomber à mot fermé sur…

… un clavier bègue
Qui la nuit durant
Aura épelé à satiété le mot
Finnnnnnnnnnnnn

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***

22. RUPTURE 3

Allez matelot
Du courage
Le Titanic coule
Et ce fut un beau bateau

L’iceberg n’est rien
Que le raccourci du temps
Tôt ou tard l’amour meurt
Comme un grand paquebot

Nous sommes tous sans le savoir
Les passagers clandestins
D’un naufrage programmé

Alors puisqu’il faut couler
Amis
Coulons au moins dans la dignité
Et posons sur la glace
Qui nous perce
Nos larmes
Comme un poinçon de gel
Sur l’éternelle blessure
De nos amours en perdition

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***

23. RUPTURE 4

L’hiver a ouvert
Son frigo
Rangeons-y nos morceaux d’amour

Au fraiseur
Nos frissons partagés

Au congélateur
Nos moments de bonheur

Un jour peut-être
Nous voudrons remettre
Nos mots d’antan à la même table
Et déplier une nappe neuve de tendresse
Alors nous ferons revenir
Nos chairs nues
Au feu doux des braises du désir
Sous le soleil retrouvé de ton sourire

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***

24. RUPTURE (fin)

A présent
Le silence est devenu
Mon ami
Je me couvre de sa ouate
Je m’enferme dans ses replis opaques
Je me terre sous son épaisse parka
Pour ne pas que
Tes mots mortifères
Déchirent plus encore
Les souvenirs qui me restent
Et que je me passe en vidéo
Chaque nuit
Comme le livre d’images magiques
D’un conte de fée auquel j’avais cru

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***

25. VŒU PIEUX

Au-delà des frimas de l’oubli impuissant
Au-delà du grésil pleuré en pluie de sang
Au-delà du frisson qui s’épaissit d’effroi
Au-delà du givre des ruptures du froid

Au-delà du gel où est barbelé l’espoir
Au-delà des neiges où s’endort la mémoire
Au-delà de la frise où gisent nos remords
Au-delà des bruines qui embrouillent l’aurore

Au-delà de l’ombre qui succombe en charpie
Au-delà du dépit où hivernent mes nuits
Au-delà du mépris du vent qui nous déchire
Au-delà du brouillard où le matin expire

Je veux souffler vers toi les vœux de l’avenir
L’hymne ensoleillé où s’accordent nos sourires
Pour qu’en nous se renouent nos désirs et nos vies
Nos souvenirs sevrés et nos neuves envies

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***

26. GUIRLANDE DE NOEL

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A toutes ces âmes frôlées au long des S.O.S. de la toile
A toutes celles qui m’ont laissé au cœur leur traîne d’étoile
A l’Afrique qui me persécute à tout instant de son tam-tam
A vous dont l’amour écorché me poursuit me hante me damne
Aux traces de sang que sculptent en hurlant les griffes du plaisir
Aux phrases définitives que l’instant crée aux cris aux délires aux soupirs
A l’arborescence folle du désir où se consume le Sahel en friche
Au désert de ma vie envoilée en toi avec mes souvenirs qui trichent
A ton silence qui pleuvait de caresses sur l’ombre suspecte de mes remords
A ce demain qui veut ressembler à l’essor renouvelé d’un nevermore
A ma ville d’emprunt sur qui injuste acrimonieux je verse tant de bile
A mon labyrinthe de mots torturés quand les muses averties se défilent
A tous ces reflets entraperçus entre .fr et .com le temps factice d’un mail
A tous ceux qui lisent mes mots qui s’en moquent ou en tombent de sommeil
A mon amour blessé qui dérape de fractures en départs de ruptures en retours
A mon cœur girouette qui ne sait jamais saisir le vent sans détours
A quelques rires d’enfants qui ruissellent dans le désert du quotidien
Au verdict simiesque de ces sages qui savent déjà que rien ne mène à rien
Aux fous d’espoir qui veulent sans se lasser soulever le sable de demain
A mes amis fidèles à qui sans même parler ou écrire je tends la main
Au passé de pierre comme corde au cou à l’avenir mongolfière sans repère
A cet océan sauvage aux houles sensuelles dont tout dompteur se désespère
A la vie qui nous reste sur le compte d’épargne quand tout est consommé
A l’utopie imbécile qui nous oblige et nous soulève depuis ses sommets
Aux mots qui tenteront sans faiblir de franchir les frontières vers l’autre berge
Au Club des Poètes et sa balise sévère face aux cyclones qu’il héberge
A toi Isabelle transparente inconnue mon âme amie du même poème
A toi Marie à toi Laurence à toi Odile ce verbe timide que j’offre en diadème
A la fille des îles au grand cœur de vers qui a fait page blanche
A tous ceux qui tissent depuis leurs nuits d’ennui leurs sonnets du dimanche
Aux métaphores qui mentent mais qui montent en brasier d’étincelles
A toi Nina si proche de la soie que tisse ma vraie ville ma grande sœur virtuelle
Au sourire moribond qui se lève quand même lourd d’une nuit amère
Au matin froid que lave de sa brume livide une aurore éphémère
A toi comme une ultime marche vers le bonheur
A toi comme une ultime marche vers le malheur
A toi comme le revers d’une médaille offerte
A toi comme le rameau d’une branche trop verte
A toi comme tu le voudras
A toi comme tu le prendras

Mon simple baiser en guirlande de Noël

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***

27. CONTE DE NOEL

Le premier du gouvernement élu
Du peuple du Livre
Prive le chef de l’état contigu
D’un pays du Livre
D’aller prier là où est né Jésus
Verbe issu du Livre

L’amour et la paix sont les lois voulues
De ces trois saints Livres
Mais les versions des versets ambigus
Murs obscurs à suivre
Font qu’au-delà des mots de l’absolu
Seule la mort vibre

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***
28.

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La page livide est tue
Trop bien lavée par l’hiver
Détergent sans pitié
Et voici l’écran vidé
Un cyclone d’absence
Ravage les archipels
De tes mots

Petite fille des îles
Ne pars pas

Si d’un souffle
Les poèmes meurent
Alors à quoi bon
Faire pousser nos pensées ?
Nos laborieux vers ne sont
Que l’envers
Des débris de nos vies
Mais au moins vivent
Nos pleurs
En rimes ou en rythme
Mais toujours en hymne
A l’amour

Petite fille des îles
Ne pars pas

Le silence est un voile
Où s’ensevelit tout visage
Tant de messages abandonnés
A la nuit des mails
Ne laisse pas l’opacité
Aspirer une à une
Les phrases
Et revient nous dire
Qu’il faut espérer
Qu’il existe
Là-bas
Quelque part
Entre les pages et la plage
Entre l’écume et la plume
Un unique amour

Petite fille des îles
Ne pars pas

***

29. SONNET DE RECONNAISSANCE

J’ai suivi la raison et sa parole sûre
Ses adages rangés sans qu’un seul concept boite
Ses doctes préceptes sa dialectique droite
Alors pourquoi en moi brûle cette blessure ?

J’ai suivi la morale et sa soutane grise
Son goupillon béni plein de pieux repentir
Son cantique humide au mystique élixir
Alors pourquoi jamais ma plaie ne cicatrise ?

J’ai suivi mes amis dans leurs vies ravalées
Leurs avis délavés leurs envies envolées
Alors pourquoi mes nuits se meurent de silence ?

J’ai brisé mon miroir le reflet de son rire
Et sur les seuls débris où mon cœur veuf se mire
Je ne vois désormais que des éclats d’absence

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***

30. SOUVENIR

Il m’arrive encore de croiser ton absence
La trouble allégorie de nos nuits dénichées
Leurs reflets falsifiés figés dans des clichés
Les faux-pas éperdus d’un amour en partance

Parfois le souvenir vient narguer ma pénombre
Et me montre moqueur les photos d’autres nuits
Où ton corps nu s’offre aux râles réjouis d’autrui
Mais mes larmes séchées plus jamais ne s’effondrent

C’est la mer en allée qui a vidé mon sang
C’est la houle oubliée qui s’en va au jusant
Sur la plage où planent les oiseaux aux abois

Mais l’aurore – ô rêvons – demain de guerre lasse
Lèvera une onde de bonté et de grâce
Où l’amitié viendra laver nos vieux émois

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***
A celle qui (peut-être) se reconnaîtra …

31.

J’aurais voulu être votre ami
Car nos mots émus glissent d’une même voix
Vers un paradis de verre fumé
Où l’ombre et l’ambre brûlent leur encens
Quand se consument les souvenirs

J’aurais voulu être votre ami
Echanger deux ou trois vers au-delà de la rivière
Envisager le gué d’un cœur à l’autre
Sans autre désir que le partage d’une pensée
De ces fleurs séchées qui dorment entre les pages

J’aurais voulu être votre ami
Mais le miroir tu de mon écran
Ne me renvoie que le silence
Et l’absence des mots complices
Crée un vide où s’ausculte en vain ma mémoire

J’aurais voulu être votre ami…

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***

32. ELLES S’EN VONT TOUTES

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Ce sont des reflets troubles qui s’épuisent
Sur les ombres floues du bonheur
Et qui partent éparpillés au fil du vent
Vers les chœurs énamourés d’autres frissons

Juste un écho sourd qui bruit un pas à peine
Etouffé et puis s’effacent les mains qui
Posaient pourtant des tiges de joie
Quand nos nuits anoblissaient les serments

O le vilain cinéma des images grises
Qui hilares défilent en désordre
Dans les longs couloirs de ma peine
Quand la souffrance étire le temps

Sur ton nom envolé j’ai posé
Ma collection de colliers de pleurs
En vain mes perles éperdues fondent
Ou s’écrasent sur le mur de ton silence

Ma vie est devenue un quai de gare
Et je vois le mouchoir des trains
Quand les portières sont closes
Sur la statue mortifiée de ma solitude

Je marche toujours sur la même plage
Le regard égaré par les algues oubliées
Que la mer a vomies de ses hoquets de mousse
Menu des mouettes miettes de mes rêves

Sans soif je bois mon amertume
Je noie la houle de mes pleurs
Et je me consume d’un seul trait
Ivre de mes vers imbus d’eux-mêmes

Allez volez – O oiseaux de mauvaise augure –
Dérobez tout sans nulle vergogne
Et que mon sang vous saoule
Pour que mon cœur gigogne à jamais se vide

Puisqu’elles s’en vont toutes…

***

33. TER

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Où vais-je égaré entre deux trains ?
Qui suis-je à quai entre deux refrains ?
Qui suis-je toujours entre deux lignes ?
Sur quels rails le sort me fait-il signe ?

Les fleurs affolées que le vent penche
Au loin s’éparpillent et s’épanchent
Fantasme vain perdu en parfum
Flot qui se fond dans de faux embruns

Je vois tous ces câbles qui s’étranglent
Chavirés de tant de mots qui tanguent
Et mon cœur s’agrippe à ton portable
Comme à un lot de larmes jetables

Où s’en vont les saisons des brasiers
La buée brûlante des baisers ?
Jadis dans nos nuits écervelées
Tu hurlais sirène échevelée

Ma mémoire vomit ses mirages
Le vent ivre dissout mes images
La poudre du sablier d’hier
N’est plus rien qu’une odeur de poussière

Où vais-je égaré entre deux trains ?
Qui suis-je à quai entre deux refrains ?
Qui suis-je toujours entre deux lignes ?
Sur quels rails le sort me fait-il signe ?

***

34. ORIENTALE

Pastiche

Les chars sont passés là : tout brûle et se consume.
Les morts, sous les gravats, font des héros posthumes.
Sur la terre des trois Saints Livres,
Le Paradis promis brille au bout du suicide.
L’avenir va au feu – Cueillons ces vies sans rides ! –
Les chairs saignent, la mort est ivre.

Abraham ! prend pitié de cette sainte terre !
Le sillon qui tranche s’est chenillé de fer.
Tu ris, Falstaff, démon de Faust,
Comédien du pouvoir, tu te gausses du sang !
Quand les nouveaux martyrs explosent, inconscients,
C’est le retour de l’holocauste.

Et voici, hirsute, la cohorte des pleurs,
Miracle rescapé des balles des tueurs,
Horde des enfants orphelins,
Errants par vocation, réfugiés historiques,
Pour ceux-là, à jamais, la paix est utopique
Et cette guerre un jeu sans fin.

Parmi cette douleur, un gosse de dix ans :
Sous des boucles de jais, luit un regard ardent,
Gavroche brillant de malice.
Là, il attend, patient, les vivres qu’on lui donne.
Les quelques grains de riz que l’ONU ordonne
Pour atténuer le supplice.

« Bel enfant innocent, réchappé des massacres,
Avec, encore au cœur, l’odeur des fumées âcres,
Que faire pour voir ton sourire ?
Que te faudrait-il donc pour être – un peu – heureux ?
Du pain pour te nourrir ? De l’argent si tu veux ?
O prends tout ce que tu désires ! »

« Pour te faire oublier ces débris et ces ruines,
O toi, le fils meurtri du charnier de Jenine
Où ne fleurissent que les tombes,
Toi, mon fier enfant brun, au keffieh noir de deuil,
Dis, que puis-je t’offrir, mon ami, mon filleul ?
– Un pain de plastique et des bombes »

Librement adapté du poème de Victor Hugo « L’enfant » Les Orientales, XVIII, 1829

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***

35. TROUVER LA SORTIE

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Fantaisie amère…

J’erre ombrageux dans tes catacombes
Mon cierge n’allume que les tombes
Scellé de cire le ciel se plombe
Après confesse les corps succombent
Sans moi soldez vos hosties
Je veux trouver la sortie

A la ferme l’amour est ouvert
Ma plume allume la poule au vert
Mon chant s’enflamme au Diable Vauvert
A feu de paille pompier sévère
Jetez mon rêve aux orties
Je veux trouver la sortie

Dans quel loft loge ma vie privée ?
Amour loto rien n’est arrivé
Mon château sans carte est dépravé
Coupe à cœur les plis sont enlevés
Je ne suis plus vos parties
Je veux trouver la sortie

Je me suis pendu à mes promesses
Pervers j’ai pris mon pied dans leur laisse
Mes paris ne valent plus de messe
Silence d’encens sur la kermesse
Mes amours sont amorties
Je veux trouver la sortie

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***

36. THEOREME

J’étais le mendiant fou du moindre de tes mots
Funambule pendu au fil de tes appels
Je t’envoyais des vers qui hantent tes poubelles
Je mourais au désert d’un désir sans écho

Mais le destin sait rire et s’offre encore un tour
Je suis prince consort d’une Vénus royale
Et mes nuits débordent de frénésie vocale
Tes messages tombent sur l’oreille d’un sourd

L’amour c’est la guerre les tranchées le brasier
On aspire aux baisers vous rêvez du charnier
Conclusion hâtive ? Voici mon théorème :

Votre cœur ne brûle que lorsqu’il est en panne
Vous respirez nos fleurs après qu’elles se fanent
C’est quand l’amour est mort que les femmes nous aiment

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***

37. MENSONGES

Nous voici voyageurs errants sans verrou
Et nous appareillons pour les mêmes défaites
Où l’ennui se conjugue avec un lent dégoût
Sur nos messageries aux phrases toutes faites
Tombent des mots menteurs qui ne trompent que nous

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***

38. VENTS CONTRAIRES

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Moi qui fus
Un parachute
Pour tous tes trous d’air

Je vois
Une Montgolfière gonflée de joie
Escalader les sept étages d’un ciel
Où je ne suis plus

Te voici à nouveau partie

Il me faut fermer la porte du silence
Et malaxer ma mémoire en mots
En phrases en pâte à modeler
En griffures de vers âpres
Pour sculpter la statue
Du corps tordu de l’absence

***

39. FETE AFGHANE

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Ici on lance au ciel des salves d’étincelles…
Sur les radars c’est louche… Alors shérif en selle…
Quand ils font la bombe ces cow-boys c’est dément :
Une noce devient cinquante enterrements

***

40. IMPERMANENCE

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à JPD

Nos mots qui coulent
Barques trop lourdes
Au fond de lagunes moites
Où sombrent les illusions

Impermanence

Nos mails qui se perdent
Dans la nuit de la toile
Vol crashé des idées mortes
Dans les limbes du souvenir

Impermanence

Nos regards qui errent
Dans un jour obscur
Où croise l’ennui défiguré
De matins nus recommencés

Impermanence

Notre mémoire qui se cherche
Dans un labyrinthe de glaces
Musée muet des miroirs
Que réfléchit à jamais le néant

Impermanence

Nos sourires essuyés
Nos serments délavés
Nos amours essorés
La vie pourtant…

Impermanence…

***

41. DERNIER CRU

A ceux qui au-dessus du Rhône
Ont su rôtir les côtes…

Capitaine déchu de l’automne
Je ne vendange plus que du vent
Le sarment se tord en vain
Les seuls grains qui chutent
Sont ceux d’un chapelet

Je ne pourrai plus voir
Epuisée de soleil la vigne
Sombrer dans le sang du soir
Si je me courbe désormais
C’est vers un lit de cendres

Je ne rendrai plus vainqueur
Aux dieux leur nectar
Le feu vermeil du miracle
S’est liquéfié en bromure
Au chevet de mes tortures

Qu’un deuil de plomb scellé
Recouvre mes arpents sacrés
Je fus né de ces sillons
Ils seront ma dernière lie
Pour que demain coule encore

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***

42. METRO

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Métro
Antre trouble
Où l’absence trame
La mort d’autrui
Catacombes à toutes trombes
Trop plein du mutisme
Débordant de rictus
Glace livide des clones tristes
Trou des mots manqués
Silence des masques
Compactage muet des vies macérées
Labyrinthe des désirs souterrains
Ames froissées qui s’exilent

Et eux
Seuls
Si loin de tout
Et leur regard souffle
Une invisible bulle
Où s’enveloppe leur immense
Soif
Et les doigts se frôlent
Et les lèvres se posent
Complicité des peaux
Simple savoir des gestes
Pas de panoplies de phrases
Rien que la parole des corps

Et je bois avide
Cette photo d’ailleurs
Dans la nuit d’ici
Et ses fausses lumières

Et je bois amer
Ce filtre inconnu
Qui coula parfois
Qui lia quelquefois
Qui unit autrefois
De rares fleurs éphémères
Juste le temps évanescent
D’un parfum menteur

Et eux
Ne voient nul intrus
Aveugle pour autrui
Le bonheur leur transperce les yeux
Sélective cécité
Laser heureux des sens
Télépathie des frissons
Danse des paumes sur l’étoffe
Des doigts glissent sous un tissu
Et l’étreinte les tient debout
Deux en un
Quand le hoquet
Du voyage découpé
Secoue ses caissons de quilles
En gémissant

Et je me perds
Entre sourire et larmes
Sur les lâches chemins
Des souvenirs inachevés

***

43. Western junior 1

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« Plus de sioux à tuer, plus d’or où se ruer,
Mais il y a l’Irak, son pétrole à puiser…
Ils sont suppôts d’Allah, donc bombardons Bagdad !
Parfait garçon boucher, je ferai mieux que dad »

***

44. Western junior 2

Aux Etats-Unis
Au lieu d’ânerie
On dit « busherie »

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***

45. SONNET DE SAISON

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Le vent est un vieux pervers
A chaque feuille jaunie
Il nous rejoue ses grands airs
Ses violons de nostalgie

Des rameaux de souvenir
Tombent des arbres rassis
A quoi bon les recueillir
Quand l’ombre se rétrécit ?

Ton arsenal de serments
Ton corps muet qui me ment
Ta jouissance polyandre

Ton sourire de gisant
Griffent mon pesant présent
De leurs gerçures de cendre

***

46. BAR DE NUIT

C’est un bar mal famé un lieu où l’on se perd
Des éclats de bière des canons lourds de mots
Propos bourrés d’affronts à couper au couteau
L’ironie dérape du fou rire au cutter

Châssis blacks rutilants aux capots entrouverts
Sourires de chrome pour fantasmes buccaux
Désir qui débourse pour se faire la peau
Overdose du fric sur les corps à l’envers

Crapules naufragées louches destins en loques
Aigrefins revenus de débines glauques
Faux rastaquouères mercenaires perdus

Au cœur du sordide et des débris du déduit
Ses yeux d’azur soldé viennent mendier sans bruit
Leurs soupirs tarifés de Slave aux nuits vendues

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***

47. SILENCE

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Ce long silence nous va comme un gant
Blanc anonyme non contaminant
Il glace les pleurs fige les serments
Et les souvenirs ainsi restent grands

***

48. TEMPS DE TOUSSAINT

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Terne Toussaint temps de chien
Tout ce vent ne mène à rien
Et l’avenir qui nous vient
A des renvois diluviens

La mort absurde se shoote chez les snipers
Les soldeurs de fusils bradent leur propre peur
Le rêve des cow-boys n’est qu’un écho de colt
Un rond de chanvre qui cravate les révoltes
Le nouveau tabac blanc du vieux Klan bien pensant
Mondialise clés en main son label de sang

Sourds-muets les Livres Saints se couvrent de voiles
L’Apocalypse sûre fait jouir ses vestales
L’Orient a vendu Shéhérazade aux satrapes
Dans une fabrique de bombes et attrapes
Les roses chimiques d’Irak fanent de haine
Le champignon final aura mauvaise haleine

La bande des Cid des cités viole Chimène
La tournante invente en hurlant l’hymen des hyènes
On ne kiffe plus l’amour qu’en sniffant l’enfer
A la marelle on saute le ciel à l’envers
La poésie meurtrie des mille et une nuits
Psalmodie en pleurs son chapelet d’hallalis

Orgasme de mort sur les chairs déchiquetées !
Onanisme en salves corps nus à satiété !
Orgie des membres mutilés mieux qu’au ciné
Ecartèlement de mines hallucinées !
Tuons ! Tuons encore ne nous lassons pas !
Trop d’inutiles vies se traînent ici-bas !

Tuons en masse ! Exterminons jusqu’à l’extase !
Comédie musicale aux effluves de gaz
Où fera escale la prochaine escalade
La future furie des charpies en cascade ?
Aurons-nous mourant juste un ultime moment
Le temps humide d’écrire un bref testament ?

Voici que viennent les tombes de la raison
Un bandeau de deuil barre la morne saison
Il est grand temps que vaincus nous nous effacions
Notre vaine vie n’était qu’un vilain brouillon
Fous d’artifice laissons sans le moindre bis
Ce théâtre de cendre et de suie à nos fils

Terne Toussaint temps de chien
Tout ce vent ne mène à rien
L’avenir est aux vauriens
Aux vautours ou aux sauriens…

Sauf ton seul baiser au loin…

Sauf ton seul baiser au loin…

Sauf ton seul baiser au loin…

***

49. DESASTRE

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1. Défaite

La faïence est en miettes
La confiance éparpillée
Inutile d’enquêter
Pour en pure perte
Tenter d’élucider
Qui l’a laissée
Chuter
Ou bien pour en vain
Supputer
Du haut
De quel baiser
Maladroit
Malvenu
Elle a chu

Mosaïque de mots
Marmelade de larmes
Tout est descellé
Par manque d’effusion
Faute de colle forte
De bribes en débris
Le pleurs comme les fleurs
Tout est bris

Tout est tu
Spectacle coi du silence
En épars éclats d’émaux
Nos amours sont muettes
Et leur faïence en miettes

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2. Sonnerie aux morts

Hauts les corps !
Ravivez la flamme
Des anciens amants
Hissez leurs draps froissés

Chorus les cors !
Sonnez sanglots de cuivre
Au bonheur inconnu
Raide dans son lit d’oubli

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***

50. JOUR DE PLUIE

Je n’ai pas d’idées
Les vers tombent à plat
Dans les flaques de ma mémoire
Tout éclaboussés d’ennui

Le spleen du ciel
Liquide son surplus de poisse
Et son ouate suintante
Asphyxie mes souvenirs

Je n’ai pas d’idée
J’erre sur la banquise de l’écran
Ma nuit se glace sur un néant blanc
Demain est le miroir muet d’hier

Voici venir dimanche
Le jour porté absent
Mon clavier fait silence
Le temps s’autodétruit

Je n’ai pas d’idée
Les mots en ont marre
De tenter de me remonter
De la cale sèche au poème en proue

Alors je me noie
Dans une musique de bière
Qui volatile éparpille son or
Jusqu’au bord de mes larmes

Je n’ai plus d’idée
Depuis que j’ai donné congé
Aux illusions de tes lèvres
A nos mensonges noués

Je suis comme un soldat vaincu
Qui contemple dans sa retraite
Les fumées amères de la défaite
Quand sa vie ne tenait qu’à un fil

Je n’ai plus d’idées…

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***

51. GUEULE DE BOIS

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A consommer avec modération

Te revoici ma vieille nostalgie

Avec tes cheveux dépenaillés qui tombent sur tes frusques dépareillées épuisée par les frasques de ma mémoire les fantasmes de mes insomnies les délires alcoolisés de mes souvenirs le torrent aviné des vieilles histoires les remugles âcres des débines sans gloire des déboires à boire et à reboire comme une insatiable honte qui chute du bar comme un glaçon dans un scotch comme une pierre au cou comme une corde au pied…

Te revoici ma vieille nostalgie

Ton spectre transparent qui hante mes vers comme un renvoi aigre quand les cheveux me font mal quand le présent s’étale dans un pâle ennui qui se lève après la marée trouble de la nuit qui a tout emporté dans ses replis glauques d’un long relent de mauvais vin versé par les mânes fantomatiques des amours mortes que les spots ressuscitent juste le temps d’un naufrage dans l’ombre de tes bras ouverts comme un goulot qui brûle le temps qui me reste d’un cul sec radical…

Te revoici ma vieille nostalgie

Je me repasse ton sourire qui danse encore ton corps appris par cœur qui se tord et se plie dès lors aux plaisirs d’autrui aux cris qui transpercent ma nuit d’orgasme amer qui me consume pour rien quand le flot déverse ses images d’un vieux cinéma muet où manquent les séquences censurées alors je me déchire en logorrhée liquide dans le décompte approximatif des tournées interminables qui se perdent dans l’empilement des coudes levés pour mieux laver ces moments où je te tenais en chair et non en verre là où je veux chercher le génie oublié qu’il me faut réveiller d’un baiser de whisky…

Te revoici ma vieille nostalgie

C’est toi que je guette encore accroché à mon iceberg je scrute le destin de ton Titanic pour miraculeux sauveteur pouvoir te recueillir dans ce puits sans fonds dans ces mers sans soif que je vide d’un trait dans le lit glacé de ce bar anonyme où tout le monde te connaît où ton sourire est à vendre au fil des phrases que je verse sur l’inconnu qui passe le quidam du comptoir car toi qui ne m’as connu que marin sache que je suis devenu amiral et que je noie le monde entier sous ma mémoire quand me remonte de la cave le nectar de nos corps embarqués dans un voyage sans lie…

Te revoici ma vieille nostalgie

Oh! pourtant j’ai été si grand oui je sortais avec Vénus et je naissais de son écume oui je naviguais sur ses hanches elfe favori de la fée et je dessinais l’aurore sur son sourire en un poème lumineux et les matins caressants de nos mains dansaient sur ses lèvres quand l’aube nue devenait une auberge de pureté et que le soleil courbé me quémandait ses rayons oui je transperçais de mes désirs l’horizon banal des pirogues chahutées je volais au-dessus du temps et j’inventais le silence pour poser mes mots sur le corps de la déesse quand l’amour sculptait son axe dans l’équation résolue de nos âmes enchâssées quand la vertu se rendait d’un seul geste pour renaître dans la grâce reconnaissante de ses soupirs pour flamber mon sang dans l’incandescence de ses yeux fermés de nos vies vouées nos instants soudés nos serments scellés…

Te revoici ma vieille nostalgie

Tu es loin aujourd’hui ton silence d’effroi incarcère mes insomnies de son long mépris et je cherche sur les murs déserts les tapisseries d’antan les fresques d’autrefois les émois de nos deux « moi » mués en « nous » nos nues magiques nos parties gratuites toujours gagnées au flipper de nos cœurs tout est si loin et de ce temps barré il ne me reste que ce bar où je chute en quête d’équilibre puisque tu m’as soufflé tous les parfums de la vie nocturne je ne suis plus qu’un oiseau de mauvais augure qui se perd de vol concentrique en alcool excentrique au long des rues tumultueuses de l’absence dans ce Paris maudit qui te retient quelque part à l’autre bout de moi là où je ne suis pas…

Te revoici ma vieille nostalgie

Allez venez que je vous narre mon dernier cauchemar venez que je vous décrive comment j’ai bafoué la beauté comment j’ai humilié la sirène pour mieux me retrouver ici comme un pochard dans le cachot ivre du désespoir venez allons nous finir ailleurs si le tôlier ne veut plus de nos pauvres sous s’il a assez vu ces buveurs pénitents qui embouteillent son paysage de rasades trop bavardes allons jusqu’au bout de nous-même achever de suivre nos vieux vins…
N’importe comment dans le linceul du lendemain j’écoperai encore le rire rituel de ton fantôme têtu qui à chaque chute me tire par les cheveux…
Vois-tu le seul moment où tu n’es pas là c’est quand je te bois…
Alors ma vieille nostalgie sache-le je te viderai jusqu’à la dernière goutte de mon dernier verre et je te renierai d’un ultime hoquet d’un rôt brutal tel un point final…

Par ce rôt fatal je t’éructerai enfin de moi
Ma vieille nostalgie

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***

52. CHANT DE NOEL

C’est Noël
La joie est obligatoire
Celui qui ne sourit pas
N’est qu’un mauvais miroir
Pour égoïste sans loi ni foi

A Bagdad
On se prépare pour la fête
On pose son couvert de sacs de sable
Pour les feux d’artifice
Du réveillon américain
Bientôt les étoiles en pléthore
Tomberont du ciel
Depuis la hotte de tonton Sam
Pour la naissance médiatique
D’un nouveau matin de sang
Resplendissant d’horreur
Sur les écrans rassurés
Miroirs bien pensants
Des téléphages allumés

C’est Noël
Les foules versent leur sueur
Dans des traites sans fin
Pour mieux brûler de joie
Au tison des rêves fous

A Bethléem
On se remémore
Le sourire des morts
Dans les souterrains de la rancœur
L’ombre des chars est plus haute
Que les sapins dont on fait les cercueils
Et les canons qu’on entend
N’ont plus de chœurs œcuméniques
Ici même la messe est interdite
Les psaumes sont classés «secret défense»
Les paumes pleurent les palmes
Et rêvent d’une nuée de napalm
D’un brasier de plastic

C’est noël
Les caprices crépitent
Au feu doux du bonheur
L’angoisse du foie chargé
Ne plombera pas l’ivresse

A Bouaké
On prie pour ne pas pleurer
On se demande où l’on est
De quel côté la mort nous tire
La famine a un parfum de cacao
Et les charniers des relents biafrais
Sur quel bout de terre
Poser son propre calvaire
Pour ne pas devenir
Un pieux souvenir ou une vaine errance ?
Dans la nuit de la naissance
Quelle plaie vive faut-il panser pour enfin
Cesser de trébucher
Et tenter
De rester debout ?

C’est Noël
Les yeux plus gros que les rêves
Scintillent au bout de l’électricité
Les ribambelles des rires enrubannés
Déchirent les papiers dorés

A Paris
Au bout de la nuit
Au milieu des liesses d’argent
Des liasses d’allégresse
Elle titube cicatrisée à vie
Le cœur lacéré d’ennui et de dégoût
En chute libre depuis si longtemps
Qu’elle a perdu jusqu’au sens
Du mot demain
Elle coule de lie en lie
De charité publique en sébile exhibée
A narrer sa vie dans le métro du silence
A fuir les faux reflets des vitrines
Elle erre dans ce Noël furieux
Comme dans un labyrinthe ivre
Avalant par bouffées
Un peu de la chaleur factice
De cette joie officielle

C’est Noël
Le bonheur est une obligation
Le malotru qui ne sourit pas
N’est qu’un pauvre pisse-froid
Un rabat-joie de mauvais aloi

C’est Noël
Que diable !

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***

53. POUR FAIRE UN CHANT DE NOEL

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Pour faire un chant de Noël
Il faut des sourires d’enfants
Des bardes blanches
Des traîneaux
Des bougies des lumières

Taire la misère
La guerre
Le silence du canon
La peur de la mort
Les hantises terrées
Un peu partout
Dans les dunes rougies
Dans les forêts meurtries

Pour faire un chant de Noël
Il faut la joie de la foi
Croire au père
Au fils
Au bœuf à l’âne
A la crèche

Sans dire
Que sans laisser-passer
Les pieux ne peuvent prier
Dans la basilique
De la Naissance
Que la terre sainte
A de l’enfer à revendre
Et solde son calvaire
Pour trois Livres

Pour faire un chant de Noël
Il faut fermer les yeux
Et ne réciter que les psaumes
De la pensée unanime
De la joie unique
Allégresse télévisée
Des panses repues

Mon chant de Noël sera donc dissident
J’embraserai mes vers impies
Au buisson que je cache
Le tison secret de mon cœur
Car je n’ai pour m’accrocher au bonheur
Que le houx clandestin de ton sourire

***

54. ET LA NEIGE A TOUT ENFOUI

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Et la neige a tout enfoui
Nos vœux que profère l’aveu de la banalité dans sa platitude

Nos illusions ruinées que bercent l’horizon rusé
Nos aspirations qui se lèvent glabres dans les matins délabrés
Nos ambitions qui se satellisent d’un missile à l’autre
Nos rêves qui se consument en fumeux châteaux de cartes

Nos quêtes éperdues qui courent à l’ombre d’une pellicule usée
Nos attentes qui s’étendent sur les rives de nos mémoires
Nos espérances en bougie que soulèvent de vieilles flammes timides
Nos visées aux cieux qui nous clignent tant que nos yeux piquent

Nos désirs qui se brûlent aux braises des bras qui s’ouvrent
Nos envies avouées qu’attisent les seins dressés de l’avenir
Notre soif de nous qui rugit d’écume sous ses torrents de soleil
Nos desseins noués que dessinent l’étreinte de nos corps soulevés

Page blanche
Sur cet écran de mots étouffés

Car la neige a tout enfoui
De son embrasement mortifère

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***

55. COLUMBIA

Un peu partout la mort
Les charniers d’Abidjan et leurs puanteurs de haine
La famine des déserts et leurs vautours qui font la ronde
Le vide de l’envie et ses couteaux lancinants qui s’aiguisent
Les enfants de Palestine dont l’exercice est de compter les cailloux
Les enfants d’Israël qui apprennent à parer les ruses du talion
Les fous de foi qui explosent leur désespoir en charpie

Un peu partout la mort
Bientôt l’enfer fabuleux des feux d’artifices sur nos écrans
En direct l’incroyable prouesse des missiles aux impacts intelligents
Devant les micros tendus la guerre propre et ses salves de massacre à foison
John Ford voici le western moderne des enfants d’Alamo le sourire au colt
Le même clairon de la bonne conscience pour exterminer les sioux du moment
L’or d’aujourd’hui s’est rué dans des champs de pétrole

Un peu partout la mort
Les chiffres bruts des statistiques aux courbes collatérales
Pendant que les villes aux lambeaux de murs fument leur rancune
Les cibles sont des jeux vidéos d’où l’homme est enfin absent
Seules quelques traces de suie laissent l’ombre de ceux qui furent
L’indicible se tait sur un sourire de news à l’heure de grande écoute
Quand on lève les yeux humides vers un Dieu cocardier bénissant le sang

Un peu partout la mort
Et les sept aussi
Au cœur de la colombe
L’oubliée de l’histoire

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***

56. LES POETES DU NET

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Cavaliers intrépides du clavier peintres osés de la toile
Musiciens maudits du mail aux arpèges factices
Vous peuplez de phrases le mutisme intarissable
De vos insomnies rances qui se saoulent de mémoire vive

Compositeurs muets de symphonies inachevées
Vous guidez de vos mains bégayantes les silences chus
Vers la clé verrouillée d’un portail coi en quêtant l’écho
Des sirènes virtuelles à l’invariable verbe échevelé

Amants courtois vous tissez de tant de mots menteurs
La tapisserie étoilée où se griment vos nuits mornes
Troubadours sans voix vos vers désabusés valsent
D’un pseudo à l’autre dans un tango glauque aux regards clos

Poètes du dimanche aux phrases propres bien repassées
Vos couplets neufs sont de sortie pour célébrer le saint logiciel
Celui qui en un clin d’œil d’un clic miracle métamorphose
La souris lâche du Mac en sirène au flash immaculé

Travailleurs de la nuit aux écrans insomniaques
Matous interlopes des chats où la solitude miaule
Ecrivains publics qui hurlent sous le masque ce que le jour ils taisent
Matamores sonores clones nocturnes des quidams diurnes et taciturnes

Abandonnez les oripeaux âcres de ces soirées de cendre
Prenez à bras le corps l’aube véritable à la peau nue
Et cueillez donc dans la rue grouillante où la vie se lève
Les fleurs offertes qui se fardent des parfums promis

***

57. BALLADE DE LA SAINT-VALENTIN

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A celles des soirs libertins
Qui de leurs lents gestes de soie
Dans le slow nu des nuits satins
Réinventent l’amour courtois
A celles des voiles de glace
Avec leur sourire sans tain
Que les soutanes cadenassent
Mes fleurs de la Saint Valentin

Aux fausses vierges des comptoirs
Sombrant dans l’enfer puritain
Des pieux tartufes des trottoirs
Dont la police est la putain
Aux fées absentes dont les traces
Torturent mon piteux destin
Mémoire vive aux pleurs tenaces
Mes fleurs de la Saint Valentin

A celles dont les jeux pervers
Raniment mes émois lointains
Au feu les photos des vieux vers
Mots d’amour aux cheveux éteints !
A celles dont les mails m’enlacent
Parmi des sites incertains
-Virtuel ô miroir fugace-
Mes fleurs de la Saint Valentin

Prince mon vieux cœur m’embarrasse :
« Qui trop embrasse mal étreint »
A mes remords je dédicace
Mes fleurs de la Saint Valentin

***

58. BLACK POWELL

« Nous sommes la plus vieille démocratie du monde »
Colin Powell

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O vent puant du lynch qui se lève sur la peau du coton
O sueur aigre de ouate pour les zébrures du dos
O assemblée des camisoles livides aux yeux mortifères du Klan
O sécession sacrée des maîtres déchus pour sauver les chaînes

O autobus coupés en deux selon la peau
O écoles hémiplégiques conformément à la peau
O bancs publics striés de sang d’après la peau
O vie entre deux haines amputée suivant la peau

O Grèce antique O Solon arbre blanc de sagesse
O lois votées dans le marbre des barbes d’argent
O loi du colt entre deux saloons suffrage cash du wanted
De la mise à prix à la mise à mort la country lance ses cordes

Négro il vaut mieux apprendre à sauter à courir ou à boxer
Ivre de white spirit tu deviendras -qui sait- champion du monde
Sinon ta pomme d’Adam pendra encore aux arbres
De la bonne conscience sudiste et de ses croix de feu

Dans la nuit délavée plage purifiée bien immaculée
Salves d’horreur pour le miroir de la vanité blanche
Néantisée sur l’écran vide de sa propre vacuité
En quête clonesque de son éternel autre soi-même

Pour mieux s’entr’aimer dans un onanisme forcené
O WASP sûr essoré des scories de la suie des autres
Sioux latinos apaches rital black niaque ou polak
Brûlons ce sale melting pot au bûcher d’une brave guerre

« Nous sommes la plus vieille démocratie du monde »
A dit le fils de l’oncle Tom bien casé bon chien pour ses maîtres
Et c’est un crachat lâché sur l’utopie trouée de Martin
Et de tous ceux dont les balles ont souillé le vieux rêve d’autrefois

O Malcom X entend le rire yankee des fantômes d’antan
Passage à tabac à LA soulevant le brasier de la haine
A NY quarante fois contrôlé canon à bout touchant
Etendu à la morgue pour mieux pouvoir décliner l’identité

O Pasteur Luther pleure depuis ton ciel impossible pleure
Vois tes propres enfants sont devenus des Cow-boys trafiqués
Le colt bourré de bonne conscience Shérif à la solde du Sud
Un nœud de soie au cou un verre d’eau bénite à portée de Bible

Sous les yeux cerclés de l’or poli de la reconnaissance livide
Pendant que le sang humilié des esclaves se torture de honte
O monde immonde la mode d’aujourd’hui est au marron glacé
Car voilà que le Black Power s’est plombé en Black Powell

Et faites monter le feu d’artifice pour le nouvel horizon
Et sonnez les clairons du sud voici la conquête de l’Orient
Préparez des balles de coton pour les hémorragies de pétrole
Puisqu’il s’agit de la plus vieille démocratie du monde

***

59. CHANSON DU VA T’EN GUERRE

(Folksong…
Guitare sèche, harmonica…

Et puis la voix de Bobby…)

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Tout est morne tu t’ennuies
Plus de désirs plus d’envie
Le temps infini se perd
Dans des lacets qui t’enserrent
Ta télé même est sans sève
Sur tes vieux matins maudits
Entre les pleurs et la pluie
Aucune aurore ne lève
Alors la rose au fusil
Choisis-toi un ennemi
Et tire les vers du nez
A la mort carabinée
Mets ton calvaire en arrière
Pour tous les feux de l’enfer
Et pars c’est de bonne guerre
Des fleurs à la boutonnière (bis)

Ton cœur meurtri s’est planté
Au bout de baisers chromos
Au désespoir éventé
Sur de maudites photos
Il ne te reste qu’à boire
Plein de pintes de déboires
Au comptoir des souvenirs
Là où les amours s’étirent
Alors pars tirer ailleurs
Le sang fait du bien au cœur
Et les filles s’ouvrent mieux
Parmi des gerbes de feu
Le sexe offert en rafale
Orgasme collatéral
Foutre c’est de bonne guerre
L’amour se prend à l’envers (bis)

Tu reviendras bien au calme
Comme autrefois de la jungle
Tous les héros du napalm
Avec le drapeau qui cingle
Les tiens noyés de souffrance
Ta section qui te salue
Torrent de discours émus
Clairon de reconnaissance
Tu reviens mais à l’envers
Marié avec la camarde
C’est le retour du calvaire
Et l’éternité te garde
Si tu as tiré au sort
Le boomerang de la mort
OK c’est de bonne guerre
Mets ta médaille au revers (bis)

(harmonica bridge…)

C’est pas quand on la déclenche
Que la vraie guerre commence
C’est quand reviennent les planches
Que la vraie guerre commence
(Ad libitum…)

***

60. SONNET DES REGLES DE L’ART

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Pour faire un poème dans les règles de l’art
Il faut une aurore au pâle visage d’ange
Plein de brins d’argents dans ses cheveux de brouillard
Puis entre rose et bleu le sourire des langes

Il faut des fleurs en vrac aux parfums bien pensants
Ni trop forts ni brûlants doux comme des bambins
Un air de verdure sous le soleil valsant
Parmi de grands arbres gravés de cœurs coquins

De serments en diamants deux doigts émus se frôlent
Amour toujours miroir reflet flou de soi-même
Bain d’eau de rose pour princesse et premier rôle

Quand j’aurai ciselé quatorze vers de jade
Quand mes rimes d’ambre boucleront ce poème
Une pluie de bombes tombera sur Bagdad

***

61. PRINTEMPS

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Et revoilà le printemps son pollen en corolle
Ses brassées de parfums ses froufrous d’envols
Ses seins évanescents ses cœurs que la nuit ouvre
Ses désirs dévoilés ses corps qui se découvrent

Et voilà l’aurore à l’orée de l’horreur
Quand l’horizon brisé explose de terreur
Quand se lève un soleil perforé de missiles
Qui salue de son sang un brasier inutile

Vraiment à quoi nous sert cet azur de potence
Où la mort s’amuse de sa macabre danse
Lorsque la loi du colt lace les cous de chanvre
Pour pendre à ses procès les vaincus qui se cambrent ?

Debout sur les pavés tu te levais rebelle
Sève rouge d’antan ravivant l’étincelle
Des mots de révolte aux vieux relents communards
Quand les votes ne se vendaient pas au hasard

Le printemps est cocu l’espoir s’est fait la malle
Ses souvenirs maudits sont partis en cavale
Il ne nous reste que notre pauvre mémoire
Ce miroir illusoire où fondent nos déboires

Et mes piteux serments où sont-ils exilés
Aux cils de quels regards de quels bonheurs frôlés ?
Poitrines offertes je vous ai fusillées
Par mes actes manqués mes frissons maquillés

Parce qu’un souffle vert vibrait d’un vent vénal
Les amours s’égaraient dans d’infinis dédales
– Ariane s’est perdue dans mon cœur labyrinthe –
Les peaux nues se frottaient dans de fausses étreintes

Je n’ai plus rien gardé de vos sourires tus
De vos bouches trop esquissées aux souffles chus
Rien qu’une amertume tant éclusée de mots
Qu’un silence de glace impose son veto

Or aujourd’hui le temps vient s’embrouiller de brumes
Mes phrases s’enrhument dans leurs soupirs posthumes
Les bourgeons font naître la légende déçue
Du rêve évanoui à peine entraperçu

Ces soleils aspergés de lumières factices
S’enflammeront en vain car mon âme métisse
Fait fi des faux printemps et se brûle entêtée
Aux baisers épicés de l’éternel été

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***

62. APRES-GUERRE

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Les murs se lamentent pleurs de suie et de sang
Les lambris calcinés des palais du tyran
Lèvent les mains noires de leur orgueil détruit
La fumée de la haine étend son voile aigri

Les cohortes courbées des soldats inutiles
Croisent dans la honte les cohues de l’exil
Les femmes sont veuves les enfants orphelins
Dans les regards brillent les bombes de demain

Sur ce sol millénaire où naquit l’écriture
Les cyber barbares n’ont fait que des ratures
Et mâchent fiers et sûrs leurs pâtes chlorophylles

Notre globe est une balle de base-ball
La batte du shérif dicte son évangile
Dollar eau bénite coke hamburger pétrole

***

63. LE PRINTEMPS EST EN GUERRE

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Epée phallus de fer dans le ventre offert
Sur les sabres scabreux s’échancrent les poitrines
Et les cœurs lacérés font les tombeaux ouverts
Ravins où s’unissent les chairs et la vermine

Tous les bourgeons s’insurgent
Dans les bois quel grabuge !

Les canons éjectent leurs gerbes de lumières
Etoiles d’artifice en une nuit vestale
Pour violer la tranchée aux parois mortifères
Sexe hideux où jouit la terreur abyssale

Attaque d’hirondelles
Sur nos villes rebelles !

Les fusils s’alignent raides de coups de foudre
Un silence lourd d’aurore allume leurs gueules
Quand un ordre mâle éructe le feu aux poudres
Les membres se tordent dans des étreintes veuves

Tous les voyants sont verts
A l’assaut primevères !

Le champignon suprême ivresse d’extase ocre
De son souffle efface en un génocide fou
L’ombre dérisoire de nos destins médiocres
Et sans un seul râle posthume engloutit tout

Le printemps part en guerre
Contre nos vies d’hiver

Nous sommes impatients de nos ultimes spasmes
Nous sommes impatients de l’orgasme final
Nous sommes impatients d’exploser de nos miasmes
Acte définitif de nos pulsions fatales

Patience viendra l’ère
Du soleil nucléaire

***

64. LARMES D’EBENE

(D’abord parle le griot : )

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En douce
A l’ombre des bombes des grands
Les petits tyrans à l’âme de pénombre
Posent leurs pieds cloutés
Sur les mêmes bouches bâillonnées

Afrique pauvre Afrique
Soupirail de l’histoire
Cave asséchée du monde
Décombres calcinés de l’espoir
Ton chapelet lancinant épelle
Les mêmes larmes d’ébène
Depuis tant de temps
Depuis tant de temps
Depuis tant de temps…

(Ici vient la musique en mélopée répétitive
Et un chant douloureux à la voix éraillée
Qui monte
Sur la peau du tam-tam et les mains de la cora)

Encore un coup d’état
Les casques les képis les caporaux
Les commandants les commandos
Et leurs cris qui crépitent
Contre les débris concassés des constitutions de carton…

Afrique
Palinodie de plaies litanies des plaintes et des pleurs
Affaire de soudards ivres de leur suffisance
Affaire de soldats soûls aux kalash intarissables
Et qui bégayent à satiété la même mort
Stérile inutile puérile imbécile mais -paraît-il- virile

Et pourtant
Tes mains parcourent ma peau
Et y tracent un sillon de joie
Et tes lèvres ouvrent un arc-en-ciel démesuré
Où renaît à jamais la vie remodelée
Dans un manège perpétuel où je plonge
Ma jouvence renouée

Afrique
Psaume du malheur hymne lancinant des pierres aux cous
Epidémie famine pandémie sécheresse
Inondation ouragan tornade
Guerre civile guerre ethnique guerre tribale guerre tout court
Purification du sang par la parole coite des machettes
Vierge et martyre écartelée proie promise aux assoiffés
Du sang de l’or de la chair du sexe
O moiteur souveraine du privilège
Quand les nymphes se vendent
Pour la peau aphrodisiaque des dollars

Et pourtant
Osmose des corps dans une étreinte fétiche
Statuette magique que mon désir sculpte
Danse insensée qui me noie de nuits
Et je suis titubant affamé à la porte de ton palais
Et je suis le mendiant de ta charité offensée
O pure beauté qui me meut de sa houle
Vers une aurore immense

Afrique
Ambition des lascars des mercenaires
Des rastaquouères des escrocs
Multinationale multicolore du malheur programmé
Mafia ubuesque des prébendes corrompues
Princesse pillée tu n’as plus que l’odeur rare
Du diamant du pétrole du cuivre de l’or
Que ton sein portait pourtant
Mais on ne te laisse en aumône
Que le parfum furtif du larcin
Et nue tu vas quêtant ta pitance
Devant la cadrature cravatée des maîtres du monde
Bien pansus bien pensifs bien poussifs

Et pourtant
Ton âme monte dans le ciel du feu
Et l’orage au loin couve les monts éternels
Et la parole souffle la mémoire de demain
Et les corps marchent sur les braises du rythme
Et les sourires griffent la mélancolie d’ici
Et ses gerçures d’ennui

O Afrique
Porte moi dans tes bras cinglés de fouet
Je suis l’enfant torturé que tu as adopté
Pour le guérir de sa folie blanche

(Ad libitum)

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***

65. EMBRASEMENTS

Les artilleurs sans bruit déballent les obus
Merveilles modernes aux tirs intelligents

Nos mains inventives glissent sous les tissus
Que notre soif ouvre dans des gestes urgents

Les ingénieurs du feu perchés sur leurs claviers
Attentifs calculent le vent l’angle la cible

Nos peaux s’enivrent de leurs rêves dénudés
Et s’offrent au parfum des baisers impossibles

Sur le ciel bien pensé de l’écran numérique
Voici que s’affiche la trajectoire pure

Nos lèvres visent par leurs miracles obliques
Le plaisir modulant ses murmures qui durent

Les ordres se donnent sans émoi sans un mot
Juste un signe cliqué sur un code masqué

Nous avons inversé et le bas et le haut
Dans l’équation nouée de nos corps imbriqués

Pars missile inouï magie technologique
Savoir insensible des cinglés du cerveau !

Nos râles versifient notre alchimie lyrique
Nos serments s’enlacent sur le même écheveau

Fer ou cyber obus la visée c’est la mort
Seul l’écran camoufle l’embrasement des chairs

Amour emporte moi vers la petite mort
Pour que d’un seul spasme nous embrasions nos chairs !

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***

66. LA GUERRE EN DIRECT

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Voici sur nos écrans bavards de cécité avide
Vingt-quatre heures chrono – le vert blafard d’une ville aveugle de peur
Où se croisent en gerbes l’artifice sanglant des feux anonymes
C’est -entre coke et chips- le feuilleton de la mort programmée
Par les barbares high-tech connectés sur le code de l’horreur

La guerre est l’opium des téléphages

Voici la logorrhée du verbe ivre de ses verdicts définitifs
Et le flot des mensonges sincères en théories amoncelées
De ceux qui bégaient à satiété ce qu’ils ne savent pas
Et nous mangent les méninges de leurs vanités qui parlent
Et les consciences annihilées d’analyses plongent dans un lavage virtuel

La guerre est l’opium des téléphages

Voici les doctes les clercs les experts les spécialistes
Les anciens généraux réchappés du sang qu’ils ont fait verser
Viennent tranquilles nous narrer la bataille qu’ils n’ont pas gagnée
Bien encivilés cravatés costumés repassés peignés poudrés blanchis
Et d’un sourire presque apaisant soupèsent les chances de la vie d’autrui

La guerre est l’opium des téléphages

Et toi où es-tu ? Ensevelie sous les décombres exclusifs des reportages
Les directs sournois les «strike on live» inédits les censures non dites
Qui s’affichent derrière la barrière falsifiée des images évidentes
Les tranchées minées des déclarations de tous les gradés de haut vol
Les scuds des communiqués écumant leurs phrases de haine menteuse

Où es-tu ?
Où es-tu ?
Où es-tu vérité violée ?

«Je ne suis rien qu’un reflet bleuté
Rien qu’une onde ignorée
Aux houles lourdes de larmes
Qui roulent sans fin
Sur les joues des mères
Qui pleurent leur enfant»

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***

67. DESTINS CROISES

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Je m’appelle Mary je viens d’Atlanta
J’ai vécu à l’ombre meurtrie du coton
Lacérée par les crachats du mépris de l’infamie
Le souvenir lancinant d’un monde sans nous

Je m’appelle Mariam je suis de ce sable
J’ai vécu à l’ombre souple de la toile
Au bout de l’infinie errance bédouine
Au rythme des troupeaux et des points d’eau

J’ai grandi sous les mains calleuses
De mes parents dans le tempo des légendes
Les trompettes bouchées d’un paradis perdu
L’horizon doré d’un saxo embué de larmes

J’ai grandi sous les mains sèches
Des femmes assises qui intarissables récitent
Magie du tapis volant des phrases fleuries
Croissant volubile de blé de miel et de paix

J’ai vite su qu’il fallait que je me batte
Contre les autres et même contre les miens
O mama tu serais si fière de ta fille
En voyant ma photo en uniforme

J’ai vite su qu’il fallait que je parte
Que mon destin nomade devait s’asseoir
Au bord d’une ville aux lumières de béton
Bâtie sur la parole sûre du nouveau savoir

Ici si tu es black woman tu dois
Te hisser au top du top sans penser tomber
C’est pourquoi moi je rampe dans la boue
Des ordres que hurlent les commandants blancs

Ici si tu es femme tu dois apprendre
A escalader la montagne de la science
L’échelle lente de ton miracle ne s’élève
Que sur une pile de livres et de cahiers

Ils ont tant tué les miens que je tire à mon tour
O mama je te le jure je serai l’héroïne
De ce peuple avili qu’on va soulever
En explosant les fers de son obscure tyrannie

Mère ne m’en veux pas je t’en prie je ne peux
Vivre toute ma vie assise ainsi que tu l’as subie
Je veux marcher seule s’il le faut face au monde
Et dans ce désert moderne mon puits sera de savoir

Je ne comprends pas pourquoi les fleurs en couronne
Les hourras les hurlements de joie tant promis
Ne sont que ces yeux déchiquetés de haine
Qui hérissent les mille mains qui me tiennent

Pourquoi sont-ils venus pour me tuer ?
Moi qui porte sur ma peau leur toile
Moi qui sais leur langue mieux qu’eux
Moi qui ai lu leurs livres vu leurs films ?

O Dieu du ciel O mama je ne sais plus
Où se camoufle la vérité ? Je suis lynchée
Par les cordes du doute le fouet cinglant des scrupules
Tant de certitudes mortelles s’acharnent sur cette ville

O Dieu toi seul es plus grand que notre chemin
Et notre destin s’enflamme en dessinant l’oriflamme
Des guerriers martyrs O nous serons grands en mourant
A l’ombre des certitudes puériles de nos assassins

Je ne serai pas héroïne je suis une pauvre
Mendiante de paix à nouveau les pieds nus
Et je reste là comme tant des miens entre quatre murs
A implorer les ancêtres pour que sonne la fin de l’enfer

Dieu soutiens mon voile scellé de larmes et de sang !
Le deuil qui cerne ma face est votre miroir fatal
Vous que l’orgueil aveugle dans une ivresse de mort
Au bout de votre calvaire nous vous convertirons à l’enfer

***

68. APOCALYPSE

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Fond musical : adagio de la 9ème symphonie de Gustav Mahler

Le soleil rendra l’âme en éructant son or
Son sang s’écrasera en cris incandescents
Dans un bain de feu où s’effondrera l’aurore
Matin sourd de cendres silence lourd d’encens

Les nues s’étoufferont ciel suicidé de suie
Dessous d’acides pluies ivres de pestilences
Les rescapés hagards erreront dans la nuit
Héritiers barbares des succès de la science

La rage envahira les mers les océans
Un ouragan béant un gouffre de néant
Engloutiront nos jours sans recours sans retour

Bien plus tard des mutants nouveaux archéologues
Experts décrypteront de leurs yeux d’écrans rogues
Les vers fossilisés d’un poème d’amour

***

69. QUI A VOULU CETTE GUERRE ?

Librement inspiré de la chanson de Bob Dylan « Who killed Davy Moore »

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Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« C’est pas moi » dit le marine
Fondu dans sa gangue de toile
Sa trouille son masque à gaz
Sa hantise bactériologique
Et sa technologie ensablée
Dans les ravins de l’horreur
« Je fais le job on me paie pour ça
Tu sais je suis latino
J’ai signé leur papier et si je tue bien
Ils me diront enfin américain
Mais c’est pas moi qui ai voulu ça »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« C’est pas moi » dit le Fedayin
De ses yeux d’humiliation noire
Enroulé dans son keffieh
Maculé de peur et de sang
Serrant son kalash enrayé de rage
« Je n’ai pas le choix
C’est mon sable natal
Il est pourri de pétrole de charpie
De mensonges de haine
Mais c’est une corde de sang qui me lie à la vie
Mon horizon est un mirage qui s’embrase de mort
C’est pas moi qui ai voulu ça »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« C’est pas moi » dit le texan botté
Scotché devant ses chaînes
Emburgergé encocaouté
Débordant sous son tee-shirt
Sur son divan avachi
« Ce n’est pas moi je n’y peux rien
Après tout ils sont venus casser nos tours
Alors c’est leur tour
Si je veux suivre mes séries
J’ai besoin de paix
Nos boys sont des héros
Et Dieu bénit mon pays
Mais je n’ai pas voulu ça »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« Ce n’est pas moi » dit cette femme
Au voile gris de souffrance rentrée
Aux lèvres plissées de prière
A la peau fripée de mémoire
Au milieu d’une progéniture
Qui rêve de manger
« Ici on négocie avec la vie
Entre les bâillons
Et la famine
Nos bouches ne s’ouvrent plus
Que pour geindre ou gémir
Notre paix ce sera la mort
Mais je n’ai pas voulu ça »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« C’est pas moi » dit le journaliste
Couché à l’ombre du feu
Dictant son papier
Depuis son portable
« Tu sais je fais mon travail
Je risque ma peau pour tes yeux
Pour que tu ais quelque chose à dire
Au bistrot le matin
Chacun fais ce qu’il peut
Pour gagner sa vie
Moi je jongle avec la mort
Mais je n’ai pas voulu ça »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« C’est pas moi » dit le présentateur
Figé dans le vert olive
Dictant des communiqués menteurs
Depuis sa muselière télévisée
« Je dois pousser le peuple
A se battre c’est mon seul salut
Mon devenir unique c’est le Parti
Alors s’il le faut je mourrai au micro
Ma parole déroulée en oriflamme
Pour notre nouveau Saladin
Héros immense de nos destins
Mais je n’ai pas voulu ça »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« C’est pas moi » dit le Raïs
Ou son clone ou son sosie
Ou son reflet ou son ombre
Ou son discours répété à satiété
Sur des bandes débitées en stock
« C’est l’histoire c’est le destin
On veut prendre mes biens
On veut me réduire
Mais je resterai debout sur mes mots
Prêt à mourir pour renaître
Petit père du peuple
En une éternelle mythologie
Où l’avenir puisera un sang nouveau
Et ma légende pourrira vos vies
Mais je n’ai pas voulu ça »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

« C’est pas moi » dit le Président
Depuis son ranch où il se détend
De la mort des autres
En caressant doucement son chien
Et regardant au loin les lumières
Des bombes qui tombent
Sur sa télé ou repose le sourire
D’enfants bien blonds bien roses
« Je ne suis que l’instrument de Dieu
Sans Lui je serai dans un bar
Cuvant entre deux cures
C’est Lui qui sait où est le Bien
Et l’axe du mal
Je ne suis que l’épée de Sa volonté
Et je me soumets dans mes prières
Au devoir de Le suivre
Je ne suis pour rien dans tout cela »

Qui donc a voulu cette guerre
Et ses sillons de sang amer ?

***

70. NUITS DE PRINTEMPS

Irrespectueuse parodie d’ Alfred

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LA MUSE

Eh! poète lève-toi
Ouvre ton clavier
Tu n’entends pas au loin
La symphonie bigarrée
Des instruments à plume
Qui crient pépient gazouillent
Qui roucoulent qui hululent
Et font des bourgeons pensifs
Un orchestre multicolore
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LE POETE

Mon amie pardonne mon vieux cœur écorché
Mais je n’entends guère que le concerto têtu
Des missiles des chars des canons des obus
Les batteries qui jouent font des oiseaux crashés

LA MUSE

Eh! poète lève-toi
Allume ton écran
Le soleil est en peignoir
Au bord de nos paupières
Il sort de son bain de mousse
Et essore l’ouate sale
Du vieil hiver usé
Et dévore les peaux nues
Qui s’offrent à son désir
Sous le souffle rauque
D’un saxo éclaboussant d’or
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LE POETE

O âme excuse-moi mais mes yeux meurtris brûlent
Tant de feux éclatent les destins explosés
Les sirènes suivent dans des nuits de nausée
Les flashs féeriques d’un enfer fou qui hurle

LA MUSE

Eh! poète lève-toi
Tape donc ton texte
Ne vois-tu pas ne sens-tu pas
Cette aurore de boutons d’or
De jonquilles de primevères
Tra la la lère
Un tableau de Vincent
Ondule et tremble
Au bout de ta pensée
Quand la vie germe
En un pollen de métaphores
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LE POETE

Ma mie ne m’en veux pas mais les fleurs aujourd’hui
Gardent l’odeur fade des tristes chrysanthèmes
Font des coquelicots qui s’ouvrent cramoisis
Sur les chairs déchirées des blessés qu’on emmène

LA MUSE

Eh! poète lève-toi
Ne vois-tu pas
Que seul l’océan m’habille
Que les embruns déjà
Taquinent ma poitrine
Et que l’algue que je porte
Ne rêve que de s’écarteler
Comme une étoile de mer
Sous le souffle salé
De ta lyre licencieuse
De tes strophes sensuelles
De ton alexandrin dressé
Vers une abyssale apnée
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LE POETE

Muse tu m’amuses mais la camarde est ivre
La mère pleure un fils la fille est amputée
Les héros bombardent le peuple qu’ils délivrent
Cette année le printemps s’est mis hors de portée

***

71. PENSEES PASCALES

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Je n’y puis vraiment rien
Au printemps mon cœur revient
Balbutier les mots lointains
Que des gens chantent un rameau en main

Il me souvient ces pensées de rosaire
-O levée des grains de prière!-
Sanglante et renversante utopie
De la mort à jamais vaincue par la vie

Enfant au chœur sacré je servais
Et l’encens du missel disséminait
Des litanies de lilas des chapelets d’œillets
Au parfum frais de bonté et de paix

O je gémis encore
De me voir à genoux qui implore
Courbé et cerné de soutanes creuses
Etouffoirs ternes des passions pieuses

Or voici donc venu le temps du message
Le fabuleux don de soi le fameux passage
Le mystère pur
De l’éternité sûre

Or voici le sang assassin
Du triomphe pharisien
Abraham ta terre est sacrifiée
Et ton agneau nié !

Or voici ceux qui sans pénurie
Jeûnent et prient
Et qui manichéens
Décident du mal et du bien

Et puis qui tuent
Sans scrupules superflus
Blindés de bonne conscience
Repus de puissance

Crucifixion moderne du païen
Sur l’autel hautain
D’un enfer tout neuf
Pour amputés morts ou veufs

Alors dites-moi
Ces mots d’autrefois
Ceux que je disais à foison
Tout grisé d’illusion

Ces mots si blancs
Ecumant les rêves fervents
De l’enfance révolue
-O colombes naïves de vertu!-

Ces mots dit-on semés
Sur un désert désaltéré
Se seraient donc retournés
En ivraie dévoyée ?

Ces mots d’aube claire
Bombardent de leur bréviaire
Les bénédictions dociles
Pour Marines mortiers ou missiles

Oui tes mots se sont fondus
Dans l’acier cru
Du cynisme trempé des victoires
Aux cimetières remplis de gloire

Tes mots se sont envolés
Dans ce désespoir âcre de fumée
Au-dessus des ruines pillées
Des villes millénaires écrasées

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***

72. VAIN TEMPS

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A quoi sert d’avoir vingt ans ?
De pousser tout palpitant
Le passé aux lourds battants
Pour finir vieux combattant

On revient de ses vingt ans
Des relents verbeux d’antan
-Arc-en-ciel du cœur battant-
Qui n’ont rien changé pourtant

Amer d’avoir eu vingt ans
-Avanies d’un vain printemps-
Fils de ce siècle attristant
Je vous plains de votre temps

Je vous plains d’avoir vingt ans
De les vivre de ce temps
Charnier fou pour charlatans
Gourous cinglés ou sultans

***

73. AUTRE NUIT DE PRINTEMPS

Toute déférence gardée envers ce vieil Alfred

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LE POETE

O Muse il faut vêtir tes vers de verrous neufs
Sans rime ta peau est nue tu vas t’enrhumer
Il faut habiller tes pieds pour parmi les neuf
Danser en syllabes sur la lyre arrimée

LA MUSE

Hé l’ami
Tu n’y penses pas
Je suis telle
Que le soleil m’embrasse
De son saxo scintillant
Dans ses cris d’or soufflé
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Je suis telle
Que la mer m’invente
Dans le trouble de ses roulis
Avec ses baisers d’écume
Sur mes seins qui s’offrent
A son éternité mouvante
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Hé l’ami
Je ne veux pour tes yeux trop cernés
Que le simple paysage de ma peau pure
Aux nues épanouies
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LE POETE

Tu ne peux vivre en vrac en brouillon en haillons
Errer dépenaillée de ballades en guenilles
On ne peut te confondre avec ces vagabonds
Qui vont cerclant de métaphores leurs chevilles

LA MUSE

Hé l’ami
En chevilles
Tu t’y connais
Toi qui joue aux quilles
Avec des rimes en godilles
Mais on dirait
Soi disant poète
Que tu ignores qui je suis
Car moi sais-tu
J’ai poussé sous le gibet de François
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J’ai tenu la corde tragique de Gérard
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Et galéré d’absinthe avec Paul et Arthur
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Mes pieds éprouvés épousent le pavé
Et je trace dans la suie
Mes mémoires de poussière et de sang
Et si tu vois que mes mains sont sales
Sache que mon cœur brûle
De l’éclat inachevé de rêves incandescents
Mon âme éméchée part en torche
Et ce flambeau de phrases allume ta plume
Quand tu veux bien laisser
-O rimailleur paresseux du dimanche-
Le cours de tes mots vivre leur vie de vers libres

LE POETE

O Muse il faut poser tes mots plus à propos
Dans des moules ciselés à la coupe fine
Où l’esprit peut brandir insolent son drapeau
Pour exhiber d’un trait quelques strophes coquines

LA MUSE

Hé poète de salon !
Rengaine ton drapeau qui fait le beau
Je ne veux que ton cœur nu
Déchirés de désirs
Tuméfiés de soupirs
Foin de tes saillies
Qui font frémir les rombières
Déshabille tes mots
Si tu veux de moi
Ho poète masqué !
Qui camoufle ses vers
D’un loup opaque de rhétorique creuse
Prends donc de tes bras nus
Ta muse qui t’attend
Dans une nuit totale
Sans oripeaux
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LE POETE

Muse il faut que tu saches mieux parler d’amour
Car il faut entre tant de phraséologies
Choisir avec tact et volupté le discours
Qui saura séduire les pieux serments rougis

LA MUSE

Arrête poète trop précieux
Tu confonds
Et l’artifice et le feu
Ce que tu tresses et files et couds et recouds
Se trempe de ta sueur vaine
Vois
Je ne veux qu’un bout de soie sur mes seins
Qu’une esquisse d’étoffe sur mes reins
Pour m’offrir enfin à toi
Je ne veux que tes pensées
Que les images dessinées
Qui tapissent tes envies
Les auréoles aigres que laissent
Tes amours enfuies
Les couleurs que tu sais parfois
Poser sur le béton abruti des villes
Et qui fait de mon épure fantasmée
Cette beauté saine que ton poème étreint
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LE POETE

O mon modèle mon irréelle statue
Ma symphonie en métaphores de lumières
Mosaïque où s’unissent l’ébène et l’ivoire
Alliance nouvelle où naissent les fontaines
En un flot de verbe au vent nacré de musique
Pour chanter que je ne vis que pour toi ô muse

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***

74. LE LAMENTO DU RIMAILLEUR

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Je suis un poseur de vers
Je vis ma vie de travers
Parce que fou je m’escrime
A vouloir la mettre en rimes

Je dessine des sourires
Sur les mots que je respire
Aucun parfum ne s’évente
De ces soupirs que j’invente

Je pianote mes orgasmes
Sur l’écran de mes fantasmes
Ma lyre allumée se farde
Sur mes chants de corps de garde

Toutes mes strophes frétillent
Quand le bonheur se fendille
Quand le désir se lézarde
Quand le soleil me cafarde

Lorsque ma plume s’ensable
-O serments impérissables-
Dessillée d’amours meurtries
Je mets en ligne mes cris

Les souvenirs et leurs miasmes
Les échos des anciens spasmes
Achèvent sur ce clavier
Leur destin de fond d’évier

Je ramasse les débris
Les éclats endoloris
De ma mémoire impossible
Pour une muse impassible

O je vous adore en vain
Mais vous êtes mon levain
Et sans votre peau d’opium
Je mourrais en post-scriptum

O éternelle étincelle
Poésie pleine de zèle
Je masturbe mon émoi
Vers toi qui n’est pas à moi

Mon bonheur est en veuvage
Et je rêve de rivages
Loin des aurores postiche
Et de leurs baisers qui trichent

Je suis donc fils de l’exil
Amant d’Ariane sans fil
Egaré dans les dédales
De mes amours bancales

Je suis donc Ulysse à quai
Aux faux airs de Du Bellay
Aux lourds relents nostalgiques
Pleins de remous homériques

Je suis donc un rimailleur
Qui prend ses mots pour l’ailleurs
Parmi les sites sévères
Que viennent hanter les vers

***

75. DEAMBULATIONS

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Tu t’enfouis à nouveau dans le silence
Et je parle seul dans ces ruelles rances

Ta messagerie annone son mauvais esprit
Et je me traîne au bout d’un soleil malappris

Le vide de tes mots emplit mon décor
Et la mécanique du temps me jette son vieux sort

Les images heureuses déchirent mes aurores
Et je bascule ivre dans un pseudo spleen inodore

Quelques photos brûlent mes yeux clos
Et je tourne en rond dans un circuit forclos

Quelques promesses flambent leurs sourires
Et je me statufie dans leur mutisme de cire

L’avenir est un ravin que creusent mes rides
Et je suis le cantonnier de mes pluies acides

Ton silence me poursuit de son noir insidieux
Et je t’imagine alors accolée aux sept cieux

Ton silence me hante de son rire de fantasme
Et je vois des corps ennemis secoués de spasmes

Tu es donc repartie dans un monde qui se tait
Et je déambule mes pleurs dans cette ville que je hais

***

76. SONNET NOIR

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Ma mémoire aigre que hante un parfum d’aurore
S’épouvante du marbre où se scelle le sort
Et esquive le souvenir des crépuscules
Lorsque l’ombre absorbe un soleil qui capitule

Aube m’offriras-tu tes sourires de brume
Ces linges lunaires que le matin exhume
Dans des cris que sculptent les peaux nues qui ruissellent
Quand se fondent les rêves qui nous écartèlent ?

Assoiffé des mots que délavent les nuits moites
Je suis lié par des serments de vie étroite
Et j’étouffe d’un ciel d’où s’enfuit tout azur

Je m’étiole dans les ravins de la routine
Ivre je cuve entre deux gorgées de débine
Quelques vers rimés pour croire encore au futur

***

77. BALLADE QUE TEMPS EMPORTE

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Les parfums somnolents de l’aube
Les mains lasses des matins lents
Les mots moites que l’espoir gobe
Les ombres nues aux noirs talents
Les minuits que hantent les râles
Les corps qui mentent en hurlant
Les cris sur les rêves d’opale
Autant en emporte le temps

Les conjugaisons incendiaires
Les accords au plus que parfait
Les verbes interdits de grammaire
La faute où meurt le mot jamais
L’x où s’orthographie ton sexe
Le pluriel toujours consentant
De nos exercices complexes
Autant en emporte le temps

Les équations sans solutions
Qui fondent d’une sueur saine
La géométrie en fusion
Qui trace une figure ancienne
L’algèbre fou de mon désir
Mon cœur et son calcul constant
Sur l’axiome de l’avenir
Autant en emporte le temps

Le cortège de nos fantasmes
Nos vieilles envies s’arc-boutant
Autour de chimériques spasmes
Autant en emporte le temps

***

78. REQUIEM POUR UN AMOUR DEFUNT

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J’ai beau frapper aux portes des messageries
Sonner sans cesse sur des portables qui divaguent
Envoyer sur la toile infinie mes mails de mots amers
Embouteillés de douleur dans des vers aux cocons avortés
Et taper comme un forcené sur le clavier muet
De mes rimes sans effets sur mes métaphores closes
Où mes hymnes énamourés s’égarent
En un labyrinthe rhétorique

Je ne suis plus qu’un souvenir

O mon amazone nous avions pourtant
-O Walkyrie héroïque- chevauché tant de ciels
Tant d’horizons étoilés de jouissance
Où l’aube étreinte mordait de crépuscules
La lune allumée
Où l’aurore sur le socle des nuits se traînait nue
Où le matin comme un chagrin revenait
Tracer sa pâle rature sur les nocturnes bues
Jusqu’à l’ivresse
Sur le piano symphonique de ta peau
Aujourd’hui
Dévêtue de moi

Je ne suis plus qu’un souvenir

Je ne suis donc désormais
Qu’une loque d’hier qu’un lambeau de mémoire
Un chiffon froissé de passé jeté
Au hasard des corbeilles
Et ton rire
-Ton superbe escalier d’ivoire
Qui cocasse dégringole
Tout bringuebalant
De trémolos
De soubresauts de joie –
Ton rire tombe froid
Sur une dalle mate sans voix
Comme ton verdict
Couperet sec
Au bout d’un appel mémorisé
Sur ta messagerie qui bégaie
Qui bégaie
Qui bégaie…
Ou bien se tait

Je ne suis plus qu’un souvenir

Adieu donc vieille espérance
Pire putain qui soit
Vendue à ce foutu verbe conjugué d’oubli
Catin défraîchie aux appâts avachis
Qui s’effondrent de désillusions
Maquerelle rance de nos utopies rares
Tu manges de ta vermine torve nos rêves
Au bout du vert cafardeux de tes doigts vermoulus
Où coule inlassable le flot insipide
Des miasmes sans soupirs
Comme cette eau morte
Glace sans tain où
Narcisse vain
Je vomis mon destin

Je ne suis plus qu’un souvenir

Oh! je ne t’en veux pas
Tu es de celles qui soulèvent
D’un simple sourire
Le levier du monde
Et les manœuvres dévoués ne manquent pas
Je leur abandonne mon exclusivité bénévole
Au prix incalculable du brasier ancien
Où monte
La fumée larmoyante de nos émois
Tu vois amour notre histoire
Finit comme cette Jehanne qui fige
De sa fonte
La ville qu’autrefois elle délivra
Amour
Je crois qu’elle nous ressemble
Notre histoire au fond finit en fagot
En petit tas de cendres
Que le vent vandale
Eparpille

Je ne suis plus qu’un souvenir

Je m’en vais de ta vie
Tu vas poursuivre ton temps
Tes vingt ans ont tant d’avance
Que ma course était déjà perdue
Je m’étais rêvé autre
En héros musculeux
En forçat de l’amour
Matamore verbeux
J’avais envisagé la folie de te suivre
Sur les montagnes que tu m’offrais
Les lacets de ta poitrine
Les ravins de tes hanches
Tes anses et leurs vagues
-O coupe du vainqueur
Que si souvent j’ai brandie –
Allez va vole vis couds
Reprise le bonheur éraflé
Je ne peux rien te reprocher
C’est un costume qui ne me va pas
Et je le savais
Bien avant de l’essayer
Amour
Tu fus ma couturière
Mais ce soir c’est la dernière

Je ne suis plus qu’un souvenir

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***

79. FIN DE PARTIE

Ce sont des héros homériques
Des guerriers culottés sculptés
Dans la gloire et sa rumeur sourde
La danse des dribbles la flamme des feintes
Dans la folie en ballon se lèvent les olas
O houle hurlante des vivantes légendes !

Un homme est mort

Ce sont des enfants qui pleurent
Des gamins en culottes courtes
Aux larmes naïves comme leur sueur
Amères sur le dérisoire tapis
Où orphelin roule un ballon de silence
Dans la naissance froide d’une lourde légende

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6 commentaires »

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