Mots dits vers

L’Itinéraire politique de Victor Hugo

L’ITINERAIRE POLITIQUE DE VICTOR HUGO

Conférence donnée le 11 juin 2011, au palais du Luxembourg, siège du Sénat, salle Vaugirard,
dans le cadre des « conférences au sénat », organisées par la Société des Poètes Français.

En Juillet 1851, au cours d’une séance mouvementée de l’Assemblée Nationale, le comte de Falloux, monarchiste, apostrophe le député Victor Hugo en ces termes :

« Notre vengeur de la démocratie bafouée fut tour à tour : légitimiste ultra à 18 ans, légitimiste modéré à 25 ans, royaliste libéral à 35 ans, orléaniste à 40 ans, conservateur libéral à 45 ans, néo-bonapartiste à 46, centre droit à 47, républicain modéré à 48, républicain tout court et, enfin, démocrate de gauche. » (Cité in JFK « VH un révolutionnaire »)

On imagine ce passage chaleureusement applaudi par la majorité conservatrice. Celle-ci est excédée, en effet, par ce poète embarrassant, qui, élu, sur ses propres listes, n’en finit plus de voter contre elle.
Derrière le ton polémique que réclame la tribune, se révèle néanmoins une réalité : l’itinéraire politique de Victor Hugo est, pour le moins, tourmenté, et, si on l’observe de loin, peut étonner dans la mesure où l’écrivain débute royaliste et finit républicain. Inversant la norme habituelle qui veut qu’un homme commence sa vie avec des idées de gauche pour la finir en conservateur.
Nous allons donc essayer de suivre pas à pas ce cheminement tortueux et tenter de le comprendre. Nous le parcourrons étape après étape pour mieux faire sentir les points de rupture, mais aussi, car il y en a, pour en souligner les constantes.

Pour bien comprendre l’itinéraire politique de Victor Hugo, et ses contradictions, il est nécessaire d’évoquer ses parents. Durant les premières années de sa vie, il subira leurs deux influences contraires.
Son père, d’abord. Un soldat. Républicain, il est chargé de réprimer l’insurrection vendéenne –c’est à cette occasion qu’il rencontrera sa future femme. Puis, fervent bonapartiste, il deviendra naturellement officier, et, plus tard, général d’Empire. Ami de Joseph Bonaparte, on lui confie des postes importants à Naples et en Espagne. Victor, né en 1802, va ainsi vivre son enfance dans une atmosphère très napoléonienne. D’ailleurs, en 1811, au collège, à Madrid, on prétend qu’il fait le coup de poing pour défendre le nom de l’empereur contre de jeunes camarades de classe espagnols.
Malgré tout, ce père, ce « héros au regard si doux » que le poète chantera plus tard n’exerce pas, en réalité, dans les premières années de la vie de Victor Hugo une grande influence. Le couple, en effet, s’entend mal, se sépare puis divorce. Si bien que, au retour d’Espagne, en 1812, l’enfant ne vivra plus, désormais, qu’aux seuls côtés de sa mère.
Sophie Trébuchet, de son nom de jeune fille, est vendéenne. Le poète se plaira à faire d’elle une royaliste convaincue dès l’enfance. Pourtant cela est loin d’être aussi sûr car cette jeune femme ne paraît pas d’abord affirmer des idées politiques aussi tranchées. On la dit volontiers « voltairienne » et, d’ailleurs, Victor Hugo ne sera pas baptisé. Néanmoins, plus tard, sous l’Empire, nous la verrons franchement royaliste. Cet engagement est lié étroitement à sa vie privée : elle fut la maîtresse passionnée du général Lahorie, impliqué dans divers complots monarchistes. Et si Sophie Hugo va éprouver toute sa vie une haine inexpugnable pour Bonaparte c’est surtout parce que celui-ci fera enfermer puis exécuter son amant après l’échec de la conspiration du général Malet, en 1812, dans laquelle il a été impliqué.
A partir de ce moment, l’enfant va vivre dans un univers totalement favorable aux Bourbons : pour leur bon enseignement, les enfants Hugo, Abel, Victor et Eugène fréquentent la pension Cordier où on leur inculque « la haine de la Révolution, l’horreur de Bonaparte et l’amour des Bourbons. » Aussi, ne serons-nous pas étonnés quand nous lirons sur le livre de grammaire latine de Victor Hugo un « Vive le Roi » exalté.

A présent tout est donc prêt pour que l’adolescent adopte les idées de son milieu. C’est le premier engagement politique de Victor Hugo : il sera royaliste.
En France, au XIXème siècle, il y a deux façons de l’être : d’abord légitimiste, c’est-à-dire fidèle aux Bourbons, donc les successeurs de Louis XVI, ensuite, plus tard, orléaniste, partisan de la famille d’Orléans, branche cadette issue du jeune frère de Louis XIV, portée au pouvoir avec Louis Philippe 1er.
Victor Hugo épousera ces deux idées successivement.
En 1819 –il a dix-sept ans- avec ses frères, il fonde un journal : « Le Conservateur Littéraire » et publie quelques poésies qui commencent à lui établir une certaine notoriété. En 1822 paraît un premier recueil : « Odes et poésies diverses ». Arrêtons-nous sur un passage de la préface qu’écrit le poète :

« Il y a deux intentions dans la publication de ce livre, l’intention littéraire et l’intention politique ; mais, dans la pensée de l’auteur, la dernière est la conséquence de la première, car l’histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchistes et des croyances religieuses. »

Citons quelques titres : « La Vendée », « Louis XVIII », « Le rétablissement de la statue de Henri IV », « La mort du duc de Berry », « La naissance du Duc de Bordeaux » et aussi « Buonaparte ». On ne s’étonne donc pas du fait que le poète débutant reçoive une pension de 1 200 francs par an sur la cassette du Roi et autant de la part du Ministère de l’Intérieur. Enfin, il participe à la fondation d’une nouvelle revue « La Muse Française » aux opinions légitimistes largement affichées.
Pourtant, ce fidèle sujet de sa majesté catholique n’est toujours pas baptisé. Après quelques tentatives de conversion, auprès de son ami Robert de Lamennais, notamment, il ne franchira pas le pas. Il ne le franchira jamais. Si bien que pour se marier à l’église, son père devra attester d’un baptême en Italie et son ami Lamennais établir « un bulletin de confession », ce que l’on appelle, sans doute, un pieux mensonge…
En 1822, il assiste, en compagnie de sa femme, au procès des quatre sergents de La Rochelle, auteurs d’un complot contre le pouvoir royal. On le décrit ému par la jeunesse et la ferme résolution des condamnés.
Certainement, ses prises de positions futures contre la peine de mort datent de ce moment.
L’image qu’il donne de Napoléon dans ses vers, progressivement, évolue. En 1824, à la mort du vieux Roi, il publie une « Ode sur les funérailles de Louis XVIII » et esquisse une comparaison entre ce conquérant mort en 1821, loin de sa terre natale et ce roi qui, d’abord exilé, est revenu mourir dans son pays. On s’aperçoit que « Buonaparte », sous sa plume, devient un « soldat audacieux », un « géant des conquêtes » ; l’auteur met en valeur « son aigle aux serres flamboyantes ».

Mais, lorsque le poète est invité aux cérémonies du sacre du nouveau Roi, Charles X, il s’y rend avec un certain empressement, et bien sûr, peu après, publiera une « Ode sur le sacre de Charles X ».
Pourtant, c’est durant le règne de ce monarque que va se préciser, peu à peu, sa rupture avec les Bourbons.
Cela, à la suite de plusieurs événements.
Tout d’abord, depuis 1821, date de la mort de sa mère, Victor Hugo a renoué avec son père qui vit retiré auprès de sa nouvelle compagne et qui, occasion supplémentaire de sympathie, écrit même quelques vers. Sans doute, ce rapprochement n’est pas étranger à la réaction du poète à propos d’un incident diplomatique, à Paris, en 1827. Au cours d’une réception à l’ambassade d’Autriche, les anciens maréchaux d’Empire, invités, sont publiquement humiliés par l’huissier qui refuse de les annoncer sous leurs titres ducaux. Victor Hugo publie alors son premier grand poème sur l’épopée impériale : « L’ode à la colonne »

« Débris du grand Empire et de la grande armée
Colonne d’où si haut parle la renommée
Je t’aime ! L’étranger t’admire avec effroi
J’aime tes vieux héros, sculptés par la victoire
Et tous ces fantômes de gloire
Qui se pressent autour de toi »

Cette fois, le ton a vraiment changé et, sur ce sujet précis, l’Empire -le premier !- il ne changera plus. Hugo réalise ainsi la prédiction de son père qui disait en 1820 : « Laissons faire le temps. L’enfant est de l’opinion de la mère, l’homme sera de l’opinion de son père. » Voici le poète réconcilié avec le mythe de sa première enfance, plus exaltant, il est vrai, par sa dimension épique, que la pâle restauration des anciens rois.
Conservateur, l’écrivain s’est contenté jusqu’à présent d’utiliser les formes traditionnelles. Hugo éprouve maintenant le besoin de renouveler le genre poétique, mais aussi d’inventer un nouveau genre dramatique. Comment, alors, concilier révolution littéraire et idées politiques monarchistes ? Le poète va évoluer. La préface de son drame « Cromwell » en est la première manifestation :

« Il y a aujourd’hui l’ancien régime littéraire, comme l’ancien régime politique. Le dernier siècle pèse encore presque de tout point sur le nouveau. Il l’opprime notamment dans la critique.»

La jeunesse romantique qui se reconnaît dans les idées exprimées par ce manifeste n’est pas légitimiste. Au mieux libérale, surtout républicaine.
En 1828, il fait publier une nouvelle : « Le dernier jour d’un condamné » ; son premier plaidoyer en faveur de l’abolition de la peine de mort, idée que nous avons vue naître en lui, et que l’on retrouvera désormais toujours sous sa plume.
Enfin, en 1829, la censure refuse « Marion Delorme », drame romantique que le poète voulait mettre en scène. Il proteste :

« Dévoué à la monarchie, je l’ai prouvé, je ne le suis pas moins à la liberté et je le prouverai. »

Peut-on concilier ces deux idées ? Victor Hugo le croit encore puisqu’il sollicite et obtient une entrevue auprès du Roi Charles X. L’entretien est courtois. Le souverain promet de lire l’acte IV, celui qui est incriminé, mais finalement n’autorisera pas la présentation de la pièce. Toutefois, pour dédommager l’auteur il lui offre une pension de 6 000 francs. Victor Hugo la refuse. On peut dire que c’est là son premier virage idéologique.
Pourtant, il ne pense pas encore vraiment à la politique et investit toute son énergie dans la préparation de sa grande bataille celle d’« Hernani ». Cette fois, il y osmose entre la jeunesse de l’époque et l’auteur. Dans la préface, on peut lire :

« Le romantisme n’est, à tout prendre, que le libéralisme en littérature »

Le 25 février 1830, avant et pendant la première représentation, les romantiques, chevelus, accoutrés bizarrement, applaudissent à tout rompre, chantent la Marseillaise ou la Carmagnole, apostrophent les « perruques » ou les « genoux », témoignages physiques d’un régime détesté en leur promettant la guillotine.
Agitation toute verbale, certes, mais comment ne pas y reconnaître les prémisses de ce mois de juillet 1830 qui verra s’effondrer le régime ?
Pourtant, Victor Hugo, qui a su, en février, donner un idéal à la jeunesse libérale, ne participe pas vraiment à cette révolution. Certes il accueille le nouveau pouvoir avec une certaine sympathie, le retour du drapeau tricolore flatte son patriotisme et il s’engage d’ailleurs dans la garde nationale, milice bourgeoise chargée de défendre le régime. Mais celui-ci ne l’exalte pas, il voit la monarchie de juillet comme une étape transitoire, en attendant une république utopique vers laquelle l’histoire est en marche.

« Avant une république, ayons, s’il se peut une chose publique. (…) Ne demandez pas des droits pour le peuple tant que le peuple demandera des têtes ». (« Choses vues »)

Durant les premières années du règne de Louis-Philippe, il condamne tous les comportements extrémistes.
D’abord la révolte. Ecoutons sa réaction après l’émeute républicaine de 1832, lors des funérailles du général Lamarque :

« Folies noyées dans le sang. Nous aurons un jour une république, et, quand elle viendra d’elle-même, elle sera bonne. Mais ne cueillons pas avant mai le fruit qui ne sera mûr qu’en juillet ; sachons attendre. La République proclamée par la France en Europe, ce sera la couronne de nos cheveux blancs. Mais il ne faut pas souffrir que des goujats barbouillent de rouge notre drapeau. » (« Choses vues »)

On peut noter que l’écrivain donnera, dans « Les Misérables », en 1862, une version plus épique de ce qu’il appelle trente ans avant une « folie ».
Mais on le voit également protester contre la répression, et notamment, la proclamation de l’état de siège à la suite de cette insurrection.
Plusieurs prises de positions publiques vont prouver son opposition progressive au régime.
En 1832, après avoir autorisé, l’année précédente, « Marion Delorme », la censure interdit, après la première représentation « Le roi s’amuse », nouveau drame romantique. L’auteur décide alors d’intenter un procès au théâtre où son œuvre était programmée, pour rupture de contrat. En réalité, il s’agit là d’un prétexte. Victor Hugo veut se servir du tribunal pour s’exprimer publiquement. Il défend chaleureusement la liberté d’opinion et conclut sa plaidoirie en ces termes :

« Il n’y a eu dans ce siècle qu’un grand homme, Napoléon, et une grande chose, la liberté. Nous n’avons plus le grand homme, tâchons d’avoir la grande chose. » (« Choses vues »)

Le procès est perdu, mais l’éclat est grand. C’était le but recherché.
La même année, il fait paraître une étude historique sur Mirabeau où l’on peut lire notamment :

« La Révolution française a ouvert pour toutes les théories sociales, un livre immense, une sorte de grand testament. Mirabeau a écrit son mot, Robespierre le sien. Louis XVIII a fait une rature, Charles X a déchiré la page. La chambre du 7 août l’a recollée à peu près, mais voilà tout. »

Ainsi, découvre-t-on notre auteur bien proche des idées républicaines. Remarquons au passage la condamnation expéditive des deux derniers Bourbons.
Enfin, en 1834, avec son roman « Claude Gueux », il commence à décrire les conditions de vie des plus humbles :

« Que vous l’appeliez république ou que vous l’appeliez monarchie le peuple souffre, ceci est un fait. Le peuple a faim, le peuple a froid. »

Il propose comme solution du problème social l’éducation pour tous, un thème que nous aurons l’occasion de retrouver souvent sous sa plume.

« Supprimez les bourreaux. Avec la solde de vos quatre vingt bourreaux, vous payerez six cents maîtres d’école. »

Pourtant, paradoxalement, au moment où il en semble le plus éloigné, il va peu à peu se rapprocher du pouvoir et devenir orléaniste.

Un événement mondain, en 1837, lui fournit l’occasion de fréquenter la famille régnante. L’héritier du trône, le duc d’Orléans, se marie. Hugo, invité à la cérémonie, accepte de s’y rendre, après quelques réticences. Il est très bien reçu, présenté au Roi, il siège à la table d’un de ses fils, le duc d’Aumale, et il a l’heureuse surprise de constater que Hélène de Mecklembourg, la jeune et charmante épouse du duc d’Orléans, est, depuis longtemps une de ses admiratrices. Elle lui aurait dit, au cours de cette même soirée, « J’ai vu votre Notre Dame. »
A dater de ce jour, le poète est très souvent reçu par le jeune couple et lui même, organise, chez lui, un repas. Le duc et sa femme seront présents à la première de « Ruy Blas » en 1838. Victor Hugo place sans doute ses espoirs politiques en celui qui doit être le prochain souverain et qui professe des opinions libérales. D’ailleurs Hugo a l’occasion de mesurer son influence sur la famille d’Orléans quand il obtient du Roi la grâce de Barbès, un dirigeant de gauche qui avait organisé une nouvelle émeute, une de plus, à Paris.
Et, en 1841, il est élu à l’Académie Française après trois échecs successifs. Le couple princier assiste à la cérémonie d’investiture durant laquelle le nouvel « immortel » prononce un discours très politique. Il montre que la famille d’Orléans est l’héritière de la Convention Nationale et de Napoléon 1er. Il n’oublie pas de signaler que l’écrivain doit jouer un rôle important dans la direction de la nation.
Au moment où ses ambitions prennent forme, un événement tragique semble pourtant y mettre un terme. En 1842, le duc d’Orléans se tue dans un accident de calèche. Or, c’est à Victor Hugo, directeur de l’Académie qu’échoit le douloureux devoir de présenter au roi les condoléances de l’Institut.

« Votre royal fils est mort. C’est une perte pour la France et pour l’Europe ; c’est un vide parmi les intelligences. La Nation pleure un prince ; l’armée pleure le soldat ; l’Institut regrette le penseur. »

En 1845, Louis-Philippe le nomme pair de France.
Voilà notre poète entré en politique. Il siège donc dans cette chambre des pairs, largement conservatrice, à la dévotion du Roi. Ce n’est pas vraiment ce que laissaient espérer les années trente. D’autant plus qu’on le voit, à présent, très régulièrement au palais des Tuileries. Le Roi, lui-même, étouffera un scandale lorsque notre récent pair de France sera surpris en flagrant délit d’adultère.
Quelle a été son action au sein de cette chambre ?
Une visite des prisons en tant que membre d’une commission parlementaire.
Une prise de parole en faveur de l’abolition des mesures interdisant le retour en France de la famille Bonaparte. Durant son discours, il s’interroge sur la nature des forfaits commis par celle-ci :

« Ces crimes les voici ! C’est la religion relevée, c’est le code civil rédigé ; c’est la France augmentée au-delà même de ses frontières naturelles ; c’est Marengo, Iéna, Wagram, Austerlitz ; c’est la plus magnifique dot de puissance et de gloire qu’un homme ait jamais apportée à une grande nation. »

Le projet d’amnistie est repoussé.
Somme toute, le bilan est plutôt maigre mais se caractérise néanmoins par son refus des lois répressives et son admiration pour Napoléon Bonaparte. Victor Hugo reste un homme qui aime l’ordre et qui ne peut admettre le bouleversement violent, ainsi avoue-t-il le 19 février 1848 :

« La misère amène le peuple aux révolutions et les révolutions ramènent le peuple à la misère. » (« Choses vues »)

Or, quand celle de 1848 survient, il est d’abord spectateur, pensant que l’émeute –comme les précédentes- allait être réprimée. Puis, devant la tournure que prennent les événements, il tente, alors, avec quelques autres, de proclamer la régence de la duchesse d’Orléans. A cet effet, il part haranguer la foule place la Bastille. Mais, en dépit de tout le respect que lui portent les gens, c’est un échec, on crie « Vive la République ». Déçu, le poète notera sur ses carnets : « Pauvre grand peuple aveugle, il sait ce qu’il ne veut pas, mais il ne sait pas ce qu’il veut. » (« Choses vues »)
Puis, une fois la cause définitivement perdue, il décide d’aller retrouver son ami Lamartine, qui, membre influent du gouvernement provisoire, siège, avec celui-ci, à l’hôtel de ville de Paris. Fort bien accueilli, Victor Hugo se voit même proposer le ministère de l’instruction publique de la République. Il refuse :

« Républicain… en principe. Mais en fait j’étais hier Pair de France, j’étais hier pour la Régence, et, croyant la République prématurée, je serai encore pour la Régence aujourd’hui.» (« Choses vues »)

Ayant espéré jouer un rôle important auprès de Louis-Philippe et ses descendants, il refuse de participer, aussi peu que ce soit, à un gouvernement né d’une émeute -ce dont il se méfiera toujours- et qui met un terme à ses ambitions politiques immédiates.
Pourtant, il va se présenter aux élections à l’Assemblée Constituante. Sa déclaration de candidature est toutefois, pour le moins, ambiguë :

« Messieurs, j’appartiens à mon pays ; il peut disposer de moi. J’ai un respect exagéré peut-être pour la liberté du choix ; trouvez bon que je pousse ce respect à ne pas m’offrir. (…) Si mes concitoyens jugent à propos dans leur liberté et leur souveraineté de m’appeler à siéger comme leur représentant dans l’assemblée qui va tenir en ses mains les destinées de la France et de l’Europe, j’accepterais avec recueillement cet austère mandat. » (« Actes et paroles »)

En résumé : je ne suis pas candidat tout en l’étant. Il sera, fort logiquement, battu.
Cet échec ne le décourage pas car, profitant d’élections complémentaires, au début du mois de juin 1848, il se fait élire sur une liste conservatrice, en même temps qu’Adolphe Thiers et un certain Louis-Napoléon Bonaparte.
Cette fois, il avait réellement mené campagne et exposé son programme en proposant aux électeurs le choix entre deux Républiques possibles :

« L’une abattra le drapeau tricolore sous le drapeau rouge, fera des gros sous avec la colonne, jettera bas la statue de Napoléon et dressera Marat, détruira l’Institut, l’école Polytechnique et la légion d’honneur, ajoutera à l’auguste devise : liberté, égalité, fraternité, l’option sinistre : ou la mort. (…) L’autre sera la sainte communion de tous les Français dès à présent, et de tous les peuples un jour, dans le principe démocratique ; fondera une liberté sans usurpation et sans violence ; une égalité qui admettra la croissance naturelle de chacun ; une fraternité non de moines dans un couvent, mais d’hommes libres (…). De ces deux Républiques, celle-ci s’appelle la civilisation, celle-là s’appelle la terreur. Je suis prêt à dévouer ma vie pour établir l’une et empêcher l’autre. » (« Actes et paroles »)

Quant aux grands principes, on peut dire que Victor Hugo ne variera plus. Toute sa vie durant, il restera ce républicain de liberté.
A l’assemblée, il siège donc avec la droite et, comme celle-ci, réclame la fermeture des Ateliers Nationaux, crées par le gouvernement provisoire, pour faire diminuer le chômage et l’oisiveté parmi la classe ouvrière. « En quatre mois qu’ont-ils produit ? Rien. » Il n’oublie pas, cependant, de poser de façon plus large, le problème social : « La question est dans ceux qui souffrent, dans ceux qui ont froid et qui ont faim. La question est là. » (« Actes et paroles »)
Il va toutefois s’opposer vigoureusement à l’insurrection ouvrière du mois de juin 1848. Cette fois nous trouvons notre poète sur les barricades, mais pour les prendre d’assaut. Il aurait participé à la capitulation de plusieurs.
Néanmoins, une fois la légalité et le calme revenus, il vote contre les sanctions que l’assemblée veut prendre à l’égard des députés de gauche, considérés comme responsables de cette sanglante révolution avortée :

« La République avait un premier devoir : réprimer cette insurrection, et un deuxième devoir : l’amnistie. L’Assemblée Nationale fit le premier devoir et ne fit pas le second. Faute dont elle répondra devant l’histoire. » (« Choses vues »)

A l’assemblée, quoique siégeant sur les bancs de la droite, il sait manifester son indépendance d’esprit, puisque sur les 60 scrutins auxquels il a participé, il a voté 32 fois avec la majorité conservatrice et 28 avec la gauche. Chaque fois qu’un projet législatif veut remettre en cause une liberté, qu’elle soit individuelle, politique, culturelle ou économique, l’écrivain s’y oppose.
Lors du débat sur la constitution, il prône le bicamérisme, mais n’est pas suivi, et soutient, avec la majorité, l’élection du Président de la République au suffrage universel. Conséquent avec lui-même, il va donc appuyer la candidature d’un homme proche de ses idées, c’est-à-dire, un républicain de progrès et de liberté. C’est pourquoi le journal fondé en août 1848, par les deux fils du poète, Charles et François-Victor, « l’Evénement », prend position en faveur d’Alphonse de Lamartine.
Or, cet engagement dure très peu. Car, après l’assurance de la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte, ce même journal s’y rallie sans coup férir et va mener une campagne active pour soutenir le neveu de l’Empereur.
Que s’est-il passé ?

Beaucoup de choses poussent Victor Hugo vers Bonaparte. Son père en tout premier lieu. L’hostilité adolescente à l’égard de Napoléon –héritée de sa mère- s’est transformée progressivement en admiration pour le génie du « grand homme ». En 1832 il a notamment écrit « Napoléon II », poème à la gloire de l’Empire. Victor Hugo a le sens de l’épique, il le prouve dans son œuvre. La carrière de l’Empereur n’est-elle pas, elle-même, une épopée, mais réelle, historique, à laquelle, par son père, il a le sentiment d’avoir participé ?
Pourtant, le neveu, au premier abord ne lui fait guère impression. Il note, lors de son apparition à la tribune : « Il a prononcé le mot compatriote avec un accent étranger. » (« Choses vues »)
C’est Louis-Napoléon Bonaparte qui fera le premier pas en direction du poète. En octobre 1848, il se présente à son domicile pour plaider, auprès de lui, sa cause. Il lui aurait notamment déclaré : « La République étant donnée, je ne suis pas un grand homme, je ne copierai pas Napoléon, mais je suis un honnête homme, j’imiterai Washington. » Victor Hugo est-il séduit ? En tout cas, peu après, nous retrouvons les deux hommes à la même table chez Odilon Barrot et on remarque que « L’Evénement » devient de plus en plus bonapartiste. On peut y lire :

« Louis-Napoléon Bonaparte avec cette abnégation fière qui semble un des traits saillants de sa nature, récuse l’héritage de Napoléon, mais cette ombre de l’Empereur est si radieuse que, plus il s’en détache et plus elle brille derrière lui. »

Quelques jours avant le scrutin, ce même journal fit paraître une page supplémentaire sur laquelle est imprimé cent fois le nom du candidat.
Pour expliquer ce soutien on a évoqué une promesse de ministère. Les adversaires de Victor Hugo, en particulier le comte de Falloux, l’ont volontiers laissé entendre. On ne peut s’empêcher de constater que notre poète a souvent été attiré par le pouvoir. On a vu comment il su oublier ses prises de positions pro républicaines pour devenir un fidèle de la famille de Louis-Philippe. N’est-ce pas cette même fascination qu’exerce sur lui l’homme d’état, celui qui fait avancer l’histoire, qui le pousse à rallier Louis-Napoléon ? Le poète ne pense-t-il pas que sa place est auprès des grands de ce monde afin d’accomplir son rôle, c’est-à-dire de voir plus loin en « rêveur sacré » ou « prophète éclairé » comme il l’écrira lui-même ? Sans doute pensait-il confusément exercer auprès du futur chef d’Etat une influence importante, sans pour cela avoir besoin d’un poste politique ou administratif. Enfin, il faut rappeler que Louis-Napoléon, en prison, avait écrit des ouvrages dans lesquels il montrait son intérêt pour les classes défavorisées.
Mais voilà, si le candidat avait besoin de la grande voix de l’écrivain pour se faire élire, le Président allait-il s’embarrasser d’un conseiller aussi encombrant ? Surtout quand on sait que Louis-Napoléon est l’élu de la France rurale, conservatrice. Or, peu après la victoire du candidat qu’il a soutenu, « l’Evénement » publie ce qui peut ressembler à un véritable programme politique. Détaillons-le. A l’intérieur : lutte contre la misère, victoire de l’industrie et du progrès, grandeur des arts, lettres et sciences. A l’extérieur : désarmement, société des nations, percement des canaux de Suez et de Panama, civilisation de la Chine, colonisation de l’Algérie.
S’agit-il là, réellement des intentions du nouveau Président ? S’il avait pu avoir quelques illusions, Victor Hugo va rapidement devoir s’en débarrasser.

En mars 1849, cependant, il est élu sur la liste de l’Union Libérale, un rassemblement de légitimistes, d’orléanistes et de bonapartistes. Mais là encore, le poète va déchanter. Deux événements majeurs vont le rapprocher de la gauche.
En politique extérieure, la « question romaine ».
Un mouvement insurrectionnel a éclaté à Rome et a instauré une République en chassant le Pape. Le Président décide d’envoyer une armée pour rétablir l’ordre et replacer le souverain pontife sur son trône. Victor Hugo, peu partisan de cette intervention, croit néanmoins que Louis-Napoléon va faire pression sur le Pape pour que celui-ci accepte quelques réformes. Aussi intervient-il dans ce sens à l’assemblée. Mais, s’il est applaudi par la gauche, et c’est la première fois, il est sérieusement chahuté par une droite qui ne désire qu’une seule chose : que l’ordre règne à Rome. Le lendemain, « l’Evénement » souligne que le Président s’est entouré de mauvais conseillers.
La loi Falloux va concrétiser la rupture. Ce texte veut remettre l’enseignement secondaire et universitaire sous la coupe du clergé. On revient en fait sur une certaine laïcisation. Hugo va prendre la parole et prononcer un de ses discours les plus fondateurs. Il commence d’abord par exposer ses idées maîtresses sur le sujet : l’objectif à atteindre doit être une éducation gratuite et obligatoire, prise en charge par un Etat « laïque, purement laïque, exclusivement laïque. Je ne veux pas mêler le prêtre au professeur. (…) En un mot je veux, je le répète, ce que voulaient nos pères, l’Eglise chez elle, l’état chez lui. » (« Actes et paroles ») Il prône également la liberté de l’enseignement, réclame une cohabitation loyale avec le privé et souligne que ce dernier ne doit pas subir de surveillance de la part de l’Etat.

« Je n’aurai pas besoin de donner à cette liberté le pouvoir inquiet de l’Etat pour surveillant parce que je lui donnerai l’enseignement gratuit de l’Etat pour contrepoids. » (« Actes et paroles »)

Prenant soin ensuite de proclamer sa foi en Dieu, il attaque vigoureusement ce qu’il appelle « le parti clérical » et conclut en ces termes :

« Si vous ne voulez pas du progrès, vous aurez les révolutions ! Aux hommes assez insensés pour dire : « l’humanité ne marchera plus », Dieu répond par la terre qui tremble. » (« Actes et paroles »)

Le discours est salué chaleureusement par la gauche, mais la loi est votée. Désormais Hugo joint régulièrement sa voix à celle de l’opposition. Loi sur l’incarcération à perpétuité ou exil pour les condamnés politiques, la peine de mort, pour ces cas, a été abolie dès les premiers jours de la IIè République.

« Je suis de ceux qui n’hésiteront jamais entre cette vierge qu’on appelle la conscience et cette prostituée qu’on appelle la raison d’état. » (« Actes et paroles »)

Mais la loi est votée.
Projet de restriction du suffrage universel, Victor Hugo s’y oppose, là aussi, la loi est votée.
Depuis quelques temps, l’idylle avec le Président est achevée. L’hostilité éclatant ouvertement entre le pouvoir, la majorité conservatrice et lui, Victor Hugo va, cette fois, choisir le camp qu’il n’abandonnera plus, celui de la République.

Mais c’est en juillet 1851 à l’assemblée que Victor Hugo entre véritablement dans l’histoire.
Le débat est celui de la réforme de la constitution. Le Président arrivant bientôt au terme de son mandat veut avoir la possibilité d’être, à nouveau, élu. Hugo prend la parole. Il avoue, pour commencer, qu’il soutiendrait, volontiers, une réforme de la constitution, mais qui proposerait, alors, le droit au travail, l’abolition de la peine de mort, le droit à la vie intellectuelle, par l’enseignement gratuit et la liberté d’expression, le droit à la liberté industrielle, et de véritables élections libres, pour les députés, les maires et les magistrats, avec, en outre, la possibilité de consulter directement le peuple sur certains sujets. Puis il évoque sa conception de la marche de l’histoire : la révolution a mené à la République et celle-ci trouvera son couronnement dans l’avènement des Etats Unis d’Europe. Et c’est alors qu’il apostrophe violemment ceux qui, selon lui, s’opposent à la démocratie. Il dénonce ouvertement le complot qui se trame dans les coulisses et tourne en ridicule ceux qui veulent proclamer l’Empire :

« La monarchie de gloire, dites-vous. Tiens ! Vous avez de la gloire ? Montrez-la nous ! (…) Quoi ! Parce qu’il y a eu un homme qui a gagné la bataille de Marengo et qui a régné, vous voulez régner ? (…) Quoi ? Après Auguste, Augustule ? Quoi ? Parce que nous avons eu Napoléon le grand, il faut que nous ayons Napoléon le petit ? » (« Actes et paroles »)

Ce fut paraît-il, le plus beau chahut jamais entendu au Palais bourbon. Sans cesse interrompu, Hugo restera quatre heures à la tribune. Mais voici sa conclusion :

« Savez-vous ce qui fait que la République est impérissable ? C’est qu’elle s’identifie d’un côté avec le peuple et de l’autre avec le siècle. Elle est l’idée de l’un et la couronne de l’autre. (…) Ce que nous voulons : plus de paupérisme et plus de monarchisme ! La France ne sera tranquille que lorsqu’elle aura vu disparaître, au milieu de nous, tous ceux qui tendent la main, depuis les mendiants jusqu’aux prétendants. » (« Actes et paroles »)

Le refus de la réforme va accélérer le processus de préparation du coup d’état.
Le deux décembre, quand il éclate, le poète ne reste pas simple spectateur, il veut agir pour s’opposer, par les armes, à l’illégalité. Il parcourt tout Paris pour joindre ses amis politiques, de gauche, cette fois, et fait publier une affiche sur les murs de la ville.

« Au peuple ! La constitution est confiée à la garde et au patriotisme des citoyens français. Louis-Napoléon Bonaparte est mis hors la loi. L’état de siège est aboli. Le suffrage universel est rétabli. Vive la République ! Aux armes ! Pour la Montagne réunie, le délégué, Victor Hugo. » (« Actes et paroles »)

Il réussit à faire mettre en place quelques barricades, mais, quand une répression violente, dans la journée du 4 décembre, s’abat sur ceux qui refusent le coup de force -on dénombre au moins quatre cents morts- il devra s’avouer vaincu et penser à l’exil. C’est Juliette Drouet qui va le cacher puis lui faire fabriquer de faux papiers et, le 11 décembre, Victor Hugo prend le train pour Bruxelles.

Il aurait eu l’intention de demeurer en Belgique, mais le gouvernement de ce pays, ne voulant pas d’incidents avec la France, demande à tous les proscrits de partir. Hugo choisit alors les îles anglo-normandes et s’installe d’abord à Jersey.

Ayant dû quitter le territoire français le poète n’en continue pas moins le combat.
C’est le temps du pamphlet. En 1852, paraît à Londres « Napoléon le petit » puis, en 1853, certainement son recueil de poésies, le plus fort, « Les Châtiments ». Ces deux livres sont évidemment interdits en France, mais circulent sous le manteau et connaissent un franc succès.
Pourtant, avec le temps, le poète se décourage. Il comptait sur une chute rapide de l’Empire, il s’aperçoit bientôt, qu’au contraire, celui-ci ne fait que se renforcer. Au point même de se montrer généreux puisque, à l’occasion du sacre, le 2 décembre 1852, le nouvel empereur proclame une première amnistie. Quelques proscrits cèdent et rentrent en France. « Ils partent, je leur pardonne et je les plains ». (« Choses vues ») Comme il l’affirme dans un vers célèbre : « Et s’il n’en reste qu’un je serai celui-là », le poète ne faiblira pas.
Il se remet donc à écrire, mais change de registre. En 1856, à Paris, paraissent « Les Contemplations ». Il a fallu pour cela que l’écrivain s’engage auprès de son éditeur sur le fait que son ouvrage ne comporte aucune attaque contre le régime. Le succès est foudroyant. Avec le seul produit de la vente, le poète achète la maison de Hauteville House à Guernesey, où il réside maintenant, ayant dû quitter Jersey. En 1859, Napoléon III, au sommet de sa puissance accorde une nouvelle amnistie générale. Victor Hugo ne se soumet pas.

« Fidèle à l’engagement que j’ai pris vis-à-vis de ma conscience, je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je rentrerai. » (« Choses vues »)

Parallèlement, son succès en France ne se dément pas. En 1862, on s’arrache son grand roman social « Les Misérables », et, en 1867, à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris, on donne une représentation d’Hernani.
Il commence d’autre part à jouir d’une certaine réputation internationale. En 1869, nous le trouvons à Lausanne, en président d’un congrès de la paix. Il appelle les membres de cette assemblée « concitoyens des Etats Unis d’Europe » et expose ses grandes idées politiques : droit au travail, à l’éducation, égalité de la femme, droit de l’enfant, souveraineté de l’individu. On le constate donc, ce sont toujours les mêmes principes que Victor Hugo développe depuis quelques années.
On y retrouve là, d’ailleurs, les grandes lignes du programme de l’opposition à Napoléon III qui, réunie à Belleville, autour, notamment, de Léon Gambetta s’est rassemblée au sein d’une « Union Démocratique ». Car en France la situation évolue, l’Empire se libéralise. Profitant de cette petite respiration démocratique, les fils Hugo fondent un journal « Le Rappel » qui prend position en 1870 pour le non au plébiscite du 8 mai et qui en juillet, s’oppose à la déclaration de guerre à la Prusse.
Pendant ce temps, à Guernesey, pour prouver sa foi en l’avenir, le poète plante le chêne des Etats Unis d’Europe. « Dans cent ans, il n’y aura plus de guerre, il n’y aura plus de Pape et le chêne sera grand. » Plus de cent ans après, seul le chêne est grand.

Face à la guerre Hugo est déchiré. Il considère qu’il s’agit avant tout de celle de l’Empire, un régime honni, mais il sait aussi que c’est celle de toute la France. En août 1870 il décide de rentrer. « Je vais serrer tous mes manuscrits dans les trois malles et me mettre en mesure pour être à la disposition des événements. » (« Choses vues ») A Bruxelles, il se présente à la chancellerie de France pour faire une demande de passeport. Mais les événements se précipitent : à la suite de la défaite de Sedan, la République est proclamée. Dès lors, il considère que son devoir est d’être à Paris. Le 5 septembre, il prend le train et arrive à la gare du Nord où une foule immense l’attend, alors qu’il était persuadé que seuls quelques amis seraient présents. « Vous me payez en une heure vingt ans d’exil » (« Actes et paroles ») déclare le vieil homme ému, que la population, dans son enthousiasme, veut porter à l’hôtel de ville où siège, c’est une habitude, le gouvernement provisoire. Victor Hugo refuse : « Non, citoyens, je ne suis pas venu pour ébranler le gouvernement provisoire de la République mais pour l’appuyer. » (« Actes et paroles »)
Dans les jours qui viennent, tous les hommes politiques importants sont chez lui : Louis Blanc, Léon Gambetta et Jules Ferry entre autres.
Il pensait jouer un rôle de conciliateur dans le conflit contre la Prusse, il écrivit une « lettre ouverte aux Prussiens » pour qu’ils mettent fin à une guerre rendue inutile par la chute de l’Empire. Peine perdue, Bismarck voulait en finir par une victoire complète.
C’est pourquoi, après le terrible siège de Paris, et en dépit de la résistance acharnée des troupes républicaines, la France, épuisée, demande un armistice.
La guerre achevée, il faut donc légaliser un gouvernement afin de négocier la paix. Une assemblée est élue, Victor Hugo en fait partie en tant que député de Paris. Arrivé à Bordeaux, où s’installe cette nouvelle chambre, si le poète, dans la rue, connaît encore les joies de la popularité, il est en revanche en butte à l’hostilité de la droite, largement majoritaire. Il est élu président de la gauche.
Il interviendra deux fois. D’abord pour dénoncer l’abandon de l’Alsace et de la Lorraine –son père était lorrain. Au cours de ce discours, il évoque, pour la France, une revanche pacifique concrétisée par la fusion des deux nations. Ensuite, en faveur de Giuseppe Garibaldi. Le patriote italien, venu aider la France durant la guerre, avait été élu député. La majorité conservatrice de l’assemblée refuse d’entériner cette élection. Victor Hugo défend, dit-il, un des seuls généraux qui n’ait pas été vaincu. Un député, le vicomte de Lorgeril, se lève et l’apostrophe en déclarant : « Monsieur Victor Hugo ne parle pas français. » (« Actes et paroles »)
Le poète quitte immédiatement la salle et démissionne de son mandat.

Mars 1871, le destin frappe. Hugo doit rentrer d’urgence à Paris : son fils Charles vient de mourir brutalement d’une crise d’apoplexie. Or, en ce même mois débute l’insurrection de la Commune. Le 18 on assiste à un spectacle étonnant. Dans une ville insurgée, le vieil homme, suivi d’un immense cortège, enterre son fils aîné. Les Fédérés, sur le passage du convoi funèbre, se mettent au garde à vous et, spontanément, organisent une haie d’honneur jusqu’au cimetière du Père Lachaise.
Certains chefs communards lui auraient demandé de rester parmi eux. Mais il refuse : « Prenez garde, vous partez d’un droit pour aboutir à un crime. » (« Actes et paroles ») Il quitte Paris pour Bruxelles afin de régler la succession de son fils alors que va se déchaîner la guerre civile.
Il faut bien savoir que la Commune de Paris a été alors quasiment dénoncée et condamnée par tous les grands écrivains de France. Victor Hugo, le seul, ne se joint pas à ce concert unanime. Il note le 4 avril : « chose poignante, on se bat entre Français. » Puis plus tard : « Cette Commune est aussi idiote que l’assemblée est féroce. Des deux côtés, folie. » (« Actes et paroles ») Le poète, en renvoyant, dos à dos, les deux camps, déplore surtout la guerre civile qui déchire la France, sous le regard narquois des Prussiens, encore sur place. Mais, comme en juin 48, il refuse de cautionner une insurrection qui s’élève contre le droit : « Je suis pour la Commune en principe et contre la Commune dans l’application. Paris commune est la résultante de la France république » (« Actes et paroles ») écrit-il dans « Le Rappel » qui continue à paraître à Paris.
Durant la semaine sanglante, du 23 au 28 mai, quand les soldats fidèles au gouvernement pénètrent à nouveau dans Paris, tout le monde se déchaîne contre les insurgés. La Comtesse de Ségur, celle qui a enchanté notre enfance avec ses romans à l’eau de rose, écrit : « Les communaux ont bu tant de vin et d’eau de vie pendant leur règne de bandit que la moindre de leur blessure devient gangréneuse. » (Cité in JFK « VH un révolutionnaire ») La presse sonne la charge, Le Figaro : « Contre les Prussiens en avant ! Mais contre les Communaux, en chasse ! ». (Cité in JFK « VH un révolutionnaire »)
Seul Victor Hugo, alors, élève la voix contre cette terrible répression :

« La Commune a exécrablement tué soixante-quatre otages. L’Assemblée a riposté en faisant fusiller 6 000 personnes. » (« Choses vues »)

Quand la Belgique déclare indésirables les Communards en fuite, Hugo proclame que sa maison est ouverte : « Ne fermons pas notre porte aux fugitifs, innocents peut-être, à coup sûr, inconscients. » (« Actes et paroles ») Des manifestations violentes se produiront, à la suite de cela, devant son domicile : on lance des pierres, on crie « A mort Jean Valjean. » L’écrivain doit s’enfuir au Luxembourg, d’où il poursuit sa vindicte contre les excès de la répression -près de 20 000 exécutions. Or, dans ce combat, tout le monde l’abandonne, même la gauche parlementaire. La presse se répand en injures contre sa personne en le traitant de « vieux pitre », « héros mélancolique », « saltimbanque usé », « pauvre homme gonflé de phrases ». (Cité in JFK « VH un révolutionnaire »)

Aussi, quand il décide de rentrer à Paris, cette fois, à la gare du Nord, plus personne ne l’attend.

« Il y a un an je rentrais à Paris. Quelles acclamations alors ! Quelle réaction aujourd’hui ! Et qu’ai-je fait ? Mon devoir. » (« Choses vues »)

S’il est revenu c’est justement pour plaider auprès de Thiers, chef du gouvernement provisoire, la grâce du journaliste Rochefort. Il l’obtient.
En février 1872, il est battu aux élections législatives. En 1870, il avait été élu avec 214 000 voix, il n’en a plus que 57 000. « J’ai été heureux des 214 000 voix, je suis fier des 57 000. » (« Choses vues »)
Il repart pour l’exil, dans sa maison de Guernesey, après avoir fait paraître « L’Année terrible », poésies qui décrivent les événements récents ; ouvrage qui passe inaperçu.

C’est en 1873 qu’il rentre à nouveau à Paris. Le paysage politique n’a guère changé. Le vainqueur de la Commune, le maréchal Mac Mahon vient de succéder à Thiers à la tête de l’Etat.
Pourtant, en 1874, la République semble consolidée par le fameux amendement Wallon à la constitution qui demandait de remplacer : « Le maréchal Mac Mahon est élu par le Sénat et la Chambre » par : « le président est élu par le Sénat et la Chambre. »
Néanmoins, les monarchistes placent encore beaucoup d’espoir dans la personne du Président, homme d’ordre et d’autorité.
Conseillé par Georges Clémenceau, en 1876, Hugo se présente aux élections sénatoriales. Il est élu au second tour. Le voici donc, à l’âge de 74 ans, revenu en politique. Il jouit maintenant d’un réel prestige et les républicains, pour renforcer leur position, vont l’utiliser. Léon Gambetta, Victor Schœlcher, Jules Simon, Jules Grévy sont des fidèles du salon du poète où il fait bon se montrer quand on professe des idées un peu progressistes. Au Sénat, il prend parti pour l’amnistie en faveur des Communards, mais ce projet est repoussé, la blessure est encore trop vive.
C’est en 1877 que nous le retrouvons, à la pointe du combat. La crise politique se noue. Le Président de la République est en désaccord avec le Président du Conseil, Jules Simon, pourtant soutenu par une chambre en majorité républicaine. Le chef de l’Etat a donc l’intention de dissoudre celle-ci, mais il lui faut pour cela l’accord du Sénat. Cette manœuvre présidentielle rappelle certainement quelque chose à Hugo. N’oublions pas que Mac Mahon était le chef d’état major de l’armée de Napoléon III. La gauche républicaine se réunit au domicile du poète pour mettre au point un plan de bataille. Victor Hugo intervient au Sénat le 21 juin.

« Je ne demande pas mieux que de croire à la loyauté, mais je me souviens que j’y ai déjà cru. Ce n’est pas ma faute si je me souviens. Je vois des ressemblances qui m’inquiètent, non pour moi qui n’ai rien à perdre dans la vie et qui ai tout à gagner dans la mort, mais pour mon pays. (…) Vous allez entrer dans une aventure. Et bien écoutez celui qui en revient. Vous allez affronter l’inconnu. Ecoutez celui qui vous dit : « l’inconnu je connais ». Vous allez vous embarquer sur un navire dont la voile frisonne au vent, et va bientôt partir pour un grand voyage plein de promesses. Ecoutez celui qui vous dit : « Arrêtez, j’ai fait ce naufrage-là. » (« Actes et paroles »)

La dissolution est malgré tout prononcée, mais les républicains vont remporter assez largement les élections. Mac Mahon, obligé de « se soumettre ou se démettre », choisit, en 1879, la seconde solution. Jules Grévy, un familier du salon Hugo est élu président. L’écrivain a voté pour lui. Ce régime est maintenant le sien, il a rejoint son idéal politique, il peut donc, enfin, prendre du recul, se tenir en retrait.
Nous le verrons encore se lever pour soutenir des causes humanitaires, sauver un condamné, épargner des victimes de répression. Mais c’est à présent la République qui vient à lui, découvrant en Victor Hugo son père protecteur. Pour l’anniversaire de ses 80 ans, le Président du Conseil, Jules Ferry lui présente les hommages du gouvernement. Durant une grande partie de la journée près de 600 000 personnes vont défiler devant sa fenêtre.
Mais la fin s’approche. La rédaction de son testament est aussi un acte politique quand on sait que les exécuteurs en sont Jules Grévy, Léon Say et Léon Gambetta. Ce dernier, d’ailleurs, mourra brutalement, trois ans avant le poète.
22 mai 1885. A la nouvelle de la mort de Victor Hugo, le Sénat et la Chambre des députés lèvent la séance en signe de deuil. Le gouvernement fait exposer le cercueil sous l’Arc de Triomphe et, le 31, ce sont de grandioses funérailles nationales suivies par 2 000 000 de personnes. On a l’impression que la IIIè République, certes consolidée, mais encore fragile, veut utiliser cette cérémonie pour donner le spectacle de sa force et asseoir davantage son autorité. Ainsi, la solennelle grandeur des obsèques de Victor Hugo sera-t-elle son dernier acte politique.

« Mauvais éloge d’un homme que de dire : son opinion n’a pas varié depuis quarante ans… C’est louer une eau d’être stagnante, un arbre d’être mort, c’est préférer l’huître à l’aigle » (« Choses vues »)

C’est ce que disait Victor Hugo en 1830. Certes, voilà un précepte qu’il aura mis en pratique. Faut-il ne voir en Hugo qu’un incorrigible opportuniste, enfourchant à tour de rôle les opinions les plus en cour ? Ce n’est pas si simple.
Oui, il a évolué, mais son engagement républicain s’impose durant la plus grande partie de sa vie. L’homme a été à peu près royaliste durant vingt-cinq ans, a été tenté pendant deux ans par Louis-Napoléon Bonaparte, mais est demeuré républicain trente-cinq ans. On a, davantage qu’un opportuniste, l’image de quelqu’un à la quête de sa vérité, un peu comme l’écrivait Claude Roy :

« Victor Hugo c’est une forme qui s’en alla un jour à la recherche de son costume et le trouva enfin. »

Oui, Victor Hugo a évolué, mais sans jamais rejoindre les ultras de chaque camp : ni terreur blanche, ni insurrection populaire. Bien souvent, il a voté contre les gens de son parti et n’a, en aucun cas, renoncé à une prise de position sous prétexte qu’elle pourrait gêner ses alliés. C’est pour cela que ceux-ci l’ont trouvé si embarrassant. Et si l’on veut vraiment matérialiser une évolution sur l’échiquier politique, ce ne sera jamais d’un extrême à l’autre, tout au plus, un déplacement du centre droit au centre gauche.
En outre, l’étiquette est quelque chose qui ne lui convient pas. « Je ne suis pas un homme politique, moi, je suis un homme libre. » (« Choses vues ») Disait-il en 1849. C’est par cette idée de liberté qu’il a d’ailleurs justifié son itinéraire politique :

« On m’accuse d’adorer ce que j’ai brûlé et de brûler ce que j’ai adoré. Soit ! Expliquons-nous ! Comment suis-je devenu républicain ? Je vais vous le dire. Depuis vingt-cinq ans je suis simplement un homme de liberté. Avant que nous eussions vu, comme nous le voyons aujourd’hui, le fond du cœur des monarchistes, la liberté me paraissait compatible avec la Monarchie et je ne voyais pas la nécessité absolue de la République. » (« Choses vues »)

Mais pas n’importe quelle liberté. Celle-ci doit se contenir dans une légalité, se fondre dans le moule collectif et ne pas devenir, elle-même, un danger pour la communauté.

« Je n’ai pas poussé l’amour de l’ordre jusqu’au sacrifice de la liberté ; je n’ai pas poussé l’amour de la liberté jusqu’à l’acceptation de l’anarchie. » (« Choses vues »)

Durant toute se vie, Victor Hugo a refusé, condamné et combattu vigoureusement la peine de mort. On l’a vu, dès 1834, se préoccuper de l’éducation du peuple ; il a plaidé ensuite pour la liberté de l’instruction, de la presse, de la culture. Plus tard pour les droits de la femme, de l’enfant. Son évolution n’apparaît donc que comme l’enrichissement continuel de cette idée de liberté, au service de l’homme, en qui le poète place toute sa confiance.
C’est pourquoi lorsque Karl Marx traite Hugo de « symbole de l’humanisme radical petit bourgeois » il ne se trompe guère. Victor Hugo c’est « presque » cela. Bourgeois, il l’a toujours été ; humaniste, c’est évident ; mais radical, également, par ses prises de position en faveur de la laïcité. Ce n’est pas pour rien qu’à partir des années 75, la IIIè République naissante se reconnaît en lui. Seul l’adjectif « petit » ne convient évidemment pas au géant de la poésie et de la littérature universelle qu’est et restera Victor Hugo.

Plus d’un siècle après, que pouvons-nous retenir du message politique de Hugo ?
Tout d’abord et avant tout, on l’a suffisamment évoqué, la proclamation de la liberté, le refus de l’oppression, incarnée par ce que l’on appelle maintenant les droits de l’homme.
Ensuite la Laïcité. Victor Hugo est croyant. Son souffle poétique ne peut se comprendre sans l’élan qui le pousse vers l’idée de Dieu. Mais Hugo, homme politique, a toujours combattu ce qu’il dénonçait comme le « parti clérical », c’est-à-dire ceux qui voulaient imposer à la société leur croyance. Il a toujours envisagé un état dégagé de toute influence religieuse. Pour lui, c’est certain, la laïcité n’avait pas besoin d’être agrémentée d’un adjectif qualificatif, elle était en elle-même une valeur fondamentale, une des pierres angulaires de la République.
Et enfin, et surtout, la foi en l’avenir de l’homme, l’idée du progrès de l’humanité, siècle après siècle. Victor Hugo pensait que le XXème siècle ne pouvait être que l’accomplissement des grandes idées du XIXème, parce qu’il imaginait l’humanité en marche perpétuelle vers un accomplissement toujours plus beau. Comme si le progrès était le véritable témoignage d’une rédemption humaine.
Alors formulons le vœu que notre vingt-et-unième siècle commençant verra la réalisation de cette foi du grand homme en l’assurance d’un demain meilleur qu’aujourd’hui.

Conférence donnée une première fois
au Centre Culturel Français de Pointe Noire, le 3 juin 1985.
(Remaniée en avril mai 2011.)

BIBLIOGRAPHIE

Textes de Victor Hugo
• Œuvres littéraires de Victor Hugo et leurs préfaces.
• « Choses vues, 1830-1848, 1849-1885 » Gallimard 1972
• « Ecrits Politiques » Livre de Poche 2001
• « Napoléon le Petit » Actes sud 2007
• « Politique » Bouquins, Robert Laffont 2008

Ouvrages critiques et biographies
• André Maurois, Olympio ou la Vie de Victor Hugo, Hachette, 1985.
• Jean-François Kahn, Victor Hugo, un révolutionnaire, Fayard, réédition en 2001.
• Alain Decaux, Victor Hugo, Éditions Perrin, 2001.
• Arnaud Dominique Houte, Louis Napoléon Bonaparte, le coup d’état du 2 décembre 1851, Larousse 2011
• Sandrine Fillipetti, Victor Hugo, Gallimard 2011

13 commentaires »

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