Mots dits vers

PARURES POUR UNE AURORE (2002 – 2003)

SOMMAIRE

1. Fantaisie
2. Pas perdu
3. Phénix
4. Renaissance
5. Pour toi
6. Serment
7. Tricheur
8. Dialogue
9. La couturière
10. Ma vieille absence
11. Sursaut
12. Vers pour un prochain dimanche
13. Portable
14. Pantoum
15. Ce que dit le djembe
16. Quand tu reviendras
17. Sonnet du vieux griot
18. Enigme
19. Palais idéal
20. La conteuse
21. C’est…
22. Insomnie
23. Ton île
24. Voyages
25. Virtuelle
26. Autoportrait
27. Neige
28. Musique
29. Apocalypse
30. Enième recette du poème
31. Un an déjà
32. Silence
33. Dyptique
34. Pâques
35. Chevelures
36. Les hystériques
37. Dicton
38. Léo
39. Coquelicot
40. Le vieux barde
41. Je pense à toi
42. Acte de tendresse
43. Acte de tendresse (2)
44. Sonnet érotique
45. Blason en forme de ballade
46. Sonnet cafardeux
47. Un jaloux
48. Souvenirs
49. Fin d’épisode
50. Monument funéraire
51. Poésie
52. La torpeur du bonheur
53. En manque de mots
54. Quatorze juillet
55. Silence vacances

***

1. FANTAISIE

Chanson d’un autre temps

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Est-il de bon ton
Sans trop vous déplaire
De mettre en chanson
Mon Apollinaire

Le flot de mes maux
Coule sur ses vers
Vernis de ses mots
Sur mon cœur de verre

Je tombe des nues
Sur celle alanguie
Qui étoile nue
Lie ma lyre au gui

C’est un beau pari
De croire à l’amour
Dans ce vieux Paris
Aux ponts sans secours

Où sont les sirènes
Qui peuplent le Rhin
Leurs soupirs essaiment
Le flot de tes reins

Ma sœur lumineuse
Mon amour lacté
O nageuse heureuse
Je bois ta beauté

Je te sais sereine
Devant ma passion
Des lais pour les reines
J’en sais à foison

Suis-je mal aimé
Suis-je mal aimant
Je saurai rimer
Mon vieux cœur dolent

Est-il de bon ton
Sans trop vous déplaire
De mettre en chanson
Mon Apollinaire

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***

2. PAS PERDU

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Je me suis tant perdu
Dans tant de labyrinthes
Au cœur spongieux des forêts
Détrempées d’opaques parfums
Qui enserrent mes yeux
Des galeries moites
Où fondent les glaces
Où géantes mentent les ombres d’autrefois
Pendues à d’indéfectibles lianes
Qu’aucune machette ne tranche

Je me suis tant égaré
Parmi tant de détours
D’alambiquées circonvolutions
Pour revenir
Avec un entêtement furieux
Au seul point central
A l’unique cible offerte
Que mon cœur
-Vieux naïf
Vétéran débutant-
Quête avec un désarmant sourire
Rêveur inlassable
Que hante le recommencement

Je me suis tant trompé
De train et d’histoire
Mauvais horaires mauvais plans
Mon miroir est un faux témoin
Qui me leurre de reflets illusoires
Et je cours derrière moi-même
Je roule à côté de ma route
Et je contemple mes plaies
Les stries que trie ma souffrance
Stigmates d’un calvaire athée
Et jamais ne vient l’heure du bon départ
Et de la bonne ligne
Je reste à quai quand se ferme la portière

Alors quand s’ouvre devant moi
Ton sourire où s’ébouriffe l’aurore
Quand ton désir heureux me guide
Dans les dédales douloureux de mes nuits
Là où d’épars fantômes heurtent ma mémoire

Alors quand mon espoir s’échoue
Sur la plage de ta peau
Quand ta bouche et tes mains
Harmonisent en moi
Un refrain nouveau
Qui hurle de joie en toi

Incrédule j’ouvre les yeux
Et je vois qu’un seul de tes baisers
Résume mon horizon
Alors
Je te demande
-Moi le vieux mendiant du bonheur promis-
De nous conduire
Jusqu’au bout de notre rêve

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***

3. PHENIX

Mon amour à la semblance
Du beau phénix s’il meurt le soir
Le matin voit sa renaissance
GA

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Ce miracle ailé qui surfe sur l’horizon
Voilier de plumes décapitant les nuages
Qui frôle le col ouvert d’un soleil en nage
C’est le feu et le flot qui soufflent ma raison

C’est le bûcher mystique où s’éteint une sainte
Ce sont ces déserts dénigrés par le déluge
Et fécondés par des pluies que les larmes grugent
Quand l’absence se mirait nue sur mon absinthe

Quel aimable vautour voudrait-il dévorer
Les lambeaux ivres de mon cœur évaporé ?
Je suis devant l’évidence d’une promesse

Les parfums de la nuit s’offrent sur ce lit neuf
Parmi les cendres d’un oubli à jamais veuf
Naît le Phénix miraculeux de tes caresses

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***

4. RENAISSANCE

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Un caillou sans calcul roule
La colline arasée décline
Et la pente douce est longue
Ce tapis feutré d’orgue crisse
Sous les pas pensifs de la chute

Au billard fou des planètes
Le globe bleu se dérobe
Quelle bande pour rebondir
Quelle arche pour gravir
Encore la roche Tarpéienne ?

L’aimant amer de ma mémoire
S’électrise dans une tourbe immonde
Seul le don solaire de ton sourire
Aube pure sur le pont de tes hanches
Dénoue en moi le flot renaissant

Voici l’union des ondes avouées
Le roulis lent du levier de l’amour
Lorsque le lit stellaire de l’univers échu livre
La somme de nous-mêmes à l’aurore nue
Ci gît le temps comme une épée vaincue

Parce que je suis
Par une unique femme
Enfin homme au monde

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***

5. POUR TOI

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Des musiques qui volent sur l’écume de mes mythes
Des paroles qui surfent sur les vagues des légendes
Des métaphores que porte l’écho d’un vent bavard

Les images que déchirent les vieux clichés d’autrefois
Les paraboles éventées qu’émet mon miroir en miette
Les ballades qui errent en cavalcades sur les dunes d’antan

Ces chants aux chœurs éclaboussés qui montent encore de la cave
Ces mots de marins dans d’illusoires bateaux qui tanguent cependant
Cette mer à boire dans l’âme du vin qui hurle à tue-tête

Ma poésie enfin sincère qui sommeille sur l’ambre de ta peau
Mes vers éparpillés en puzzle que ton patient sourire reconstruit
L’unique clé de moi-même que ton cœur serrurier détient

Ces versets assoiffés qui se dessinent sur les lèvres de tes soupirs
Ce monde miraculeux né d’un verbe psalmodié où se posent mes pensées
Ce rêve de poète –ô ma muse réelle- que tu fais descendre des nues

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***

6. SERMENT

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Bobby chante et ses paroles boivent comme un buvard les taches de mon spleen
Le dimanche éternise son ennui au long d’un soleil malade de froid qui tremble sur les arbres
La bière répand son amertume et les souvenirs sauvegardés pétillent vains dans un vague verre
Hier –ô mon aube nue- un mur d’ombres s’est ouvert et mon cœur mûri en a escaladé les lézardes

Combien de temps encore passerais-je à côté de ma vie ?

Le clavier bave sur cet écran livide que noircit la liqueur âcre d’un jour sans émoi
Je rêve d’un voilier neuf qui déchire sa toile sous un vent d’ivoire moite
Je rêve des nuits que tes hanches m’octroient et qui désespèrent la marée
Je rêve d’un horizon inouï où se lève une aurore qui ressemble à ton sourire

Combien de temps encore passerais-je à côté de ma vie ?

Demain je serai déguisé et une cravate sans voix se pendra au bout de mon ego
Demain je vais jouer au jeu du cadre en cherchant le seul cercle de ma fausse cadrature
Demain la norme me reprendra dans son droit chemin sans savoir à quels seins je me voue
Sans savoir que mon corps se lève vers les rives de tes reins pour y ancrer son avenir

Combien de temps encore passerais-je à côté de ma vie ?

Tu es ma muse promise au bout de mon contingent de mots usés que lavent tes baisers
Tu es ma muse réelle née des fantasmes ivres que dessaoulent tes gestes d’avant le jour
Tu es ma muse aimée aux rayons de sang versé qui transpercent mon passé
Tu es ma muse renaissante qui infuse en moi l’idée folle de demains recommencés

Combien de temps passerais-je à côté de ma vie ?

Je grave aujourd’hui la promesse de te tenir en moi pour nier toute négativité
Je grave aujourd’hui le serment de décorer sans désemparer notre futur en râles d’étoiles
Je grave aujourd’hui l’engagement d’arrimer à jamais mon âme en toi
Je grave aujourd’hui le défi de dire « toujours » face à la nuit fade des mots dédits

Et alors -ô mon amour- nous ne passerons plus à côté de nos vies

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***

7. TRICHEUR

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Cette femme ne voit que ma cravate en soie
Sait-elle mes nuits nues sur des larmes posthumes ?
Ces gens qui me griment dans mon étroit costume
Savent-ils l’ébène que ton corps sculpte en moi ?

Et tous ceux qui tremblent devant ma porte close
Savent-ils que s’ouvrent mes vœux osés en vers ?
Ces images grises sans grilles m’incarcèrent
Mais elles se brisent quand nos sept ciels explosent

Oui je triche ma vie je trouble les clichés
Oui funambule fou je suis celui qui jongle
Fébrile sur le fil de ton désir perché

Moi l’arnaqueur raté je n’ai pas renoncé
Et saisi d’angoisse je me ronge les ongles
Sur l’aube de ta peau aux râles exaucés

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***

8. DIALOGUE

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Franchement tu es ridicule
Vieux barbon même imberbe
En dépit de l’entêtement des miroirs
Tu te vois autre que tu n’es
Tu te mens sincèrement
En fermant les glaces sous tes yeux
Hier et aujourd’hui
Se confondent dans un reflet flou
Tu décapites tes angoisses du bout d’un rasoir
Qui surfe sa lame sur le temps qui passe
O mousse active qui te pénètre
De l’idée suave d’une éternité douce et dense
Has been tu penses sauver ta peau
Interdire -en faisant rempart de son corps
Douve souple vers laquelle tu rampes-
Les rides qui inarrêtables s’étirent devant toi
Franchement tu es ridicule

Je tue le ridicule par le bout de la nuit
Et j’ouvre l’aurore au seuil d’un sourire
Dans l’ombre le temps dénudé se plie à nos désirs
Et je nais chaque fois que l’aube arrive

Comment peux-tu être crédible ?
Tant de collections de lettres de photos ou de cheveux
Confiées aux bons soins des souvenirs
Que polissent les eaux lentes des regrets
Tu as tant donné de toi-même
Aux quatre coins du monde
Les parfums éventés de tes serments traînent
Sur le sable la savane la forêt les rizières
Les villes noctambules qui se livrent à l’envi
De la dune à la plage la marée entêtée ramène
Les relents ironiques d’autrefois
Vois cette cohorte incohérente
Qui se déhanchant défile comme au carnaval
Au milieu de ce cirque turbulent
Qui s’éclate en confettis multicolores
Clown blanc à qui veux-tu faire croire
Avec ton grossier maquillage qui fond
Que pour toi l’amour existe encore ?
Comment peux-tu être crédible ?

Je crois en l’instant qui étincelle d’éternité
Et ma crédibilité est celle de ses lèvres
Quand montent de nos nuits les chants enserrés
De nos corps assermentés qui renaissent en étoiles

Mon pauvre ami tu n’es pas de taille
Toi englué dans les ornières de ton ego
Toi avec tes œillères de métaphores évidées
Et tes mélopées ajourées où l’on sent la trace du crayon
Comme un graillon dans la pâte à lever
Toi onaniste forcené
Qui met en branle les mots
Pour torcher d’une phrase les déchets du cœur
Le papier rose déroulé des aveux parfumés
Les spasmes hoquetant de l’aigreur
De celui qui fut vaincu par vocation
Eternel perdant pas même magnifique
Tu délires dans les dédales de ta mythologie
Sans voir au-delà des couloirs opaques de tes fantasmes
Tu ne sais que rêver le Phénix
Mais jamais tu n’as su dessiner ses ailes
Et les caresser sous le vent
Tes seuls embruns sont les larmes
Et tu en abuses à tort et à travers tes vers
Mon pauvre ami tu n’es pas de taille

Je suis de taille quand elle me tient
Quand son corps d’amazone
Enserre ma taille et me fait rendre
En elle mes armes à jamais arraisonnées

N’as-tu donc pas assez pleuré ?
Ne te souviens-tu pas
De cet escalier qui descend en sanglots
Hurlant à chaque marche le même prénom
Comme un damné
Ne vois-tu plus ces gens dans la rue
Que tu croises le visage ravagé de sillons de sang
Stigmates de ce calvaire qui s’avance
Et vers lequel courbé tu te hisses le regard déchiré
Veux-tu encore revoir les vieux films
Les vidéos usées
De tous ces départs sans retours
N’as-tu donc souffert que pour recommencer ?
Veux-tu encore lancer au vent
Tes rimes tes fleurs tes messages tes appels tes mandats
La litanie de tes phrases sans échos
Qui rebondissent sur un silence frigide ?
Combien te faudra-t-il encore de plaies non cicatrisées
Pour que ton sourire enfin se taise
Devant le premier émoi venu ?
N’as-tu donc pas assez pleuré ?

Je ne pleurerai plus que sur sa peau
Quand la nuit aura mêlé dans ses frissons
Nos sueurs nos larmes de joie nos jouissances
Et qu’une nouvelle mer nous submergera

Oseras-tu franchir la frontière ?
Seras-tu capable de dire
Oui cette fois c’est bien fini ?
Au confort lâche de ta vie avachie
Aux reflets bleutés de la boîte à image
Avec laquelle tu combles tes soirées vides
Aux salons bien pensant d’un cercle confortable
A la routine polie qui te câline
De ses ronrons de chatte bien grasse…

Oh ! au-delà de tout c’est cela qui me tue
Je ne veux plus me perdre dans les marais glauques
D’une vie qui se ramasse sur canapé et qui n’offre
Que l’effroi de l’ennui des dimanches
L’affreux soupir de joie quand finissent les vacances
Je ne veux plus m’enliser dans ces sables mouvants

Mes dunes d’autrefois je veux les revoir
Je veux gravir à nouveau la montagne
Je veux déployer ma voile rapiécée
Dans de nouvelles tempêtes
Qui jamais ne s’endormiront dans les sirupeuses baies
D’un quotidien étale
O oui je veux lever l’ancre
Je veux lancer à nouveau l’encre de mes mots
Dans un voyage qui recommence

O mon amazone
Partons chevaucher le ciel
Je me fous du ridicule
Je ne serai crédible que par toi
Toi seule feras en sorte que je sois de taille
Et nous mêlerons nos pleurs
Pour mieux franchir la frontière
Et qu’importe alors le crépuscule
Puisqu’à jamais nous serons
Les amants de l’aurore

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***

9. LA COUTURIERE

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Couturière de mon cœur tu raccommodes ma vie
De mon passé rapiécé tu reprends le vieux modèle
Sur ce patron usagé que tes doigts de dés cisèlent
Tu refais tous les ourlets qui s’effondraient en charpie

Sur ta machine ardente les étoffes se reprennent
Et en deux manches sèches les vestes vaincues se tournent
Sans un pli les pantalons avachis tombent pour ne
Plus jamais se relever de leur fantasme de reine

O couds et recouds les fils de mes antiques usures
Tu es mon Ariane sûre au bout d’un long labyrinthe
Tu es la Parque apaisée qui calcule mes mesures

Quand un accroc vient blesser mes tissus vite meurtris
Pense à repriser mes pleurs mes déchirures mes plaintes
Et dévoiler pour moi seul la soie de ton dernier cri

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***

10. MA VIEILLE ABSENCE

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Te voilà donc revenue
Ma vieille absence
Ton profil hideux et hilare
Ricane toujours sur les écrans de ma mémoire
Tu es la sorcière sûre de tout conte de fée
La carabosse sénile dont la laideur ébréchée
Exhibe la bosse oblongue
Qui détruit le sourire d’autrui
Ce piètre bonheur défiguré

Te voilà donc revenue
Ma vieille absence
Avec ton veule voile de veuve
Qui dégouline en larmes le long
De tes cheveux décolorés
Allégorie tellement évidente
Du navrant cortège des nuits mortes
Et sur ton corps transparent
Pendent les lambeaux d’un linceul froissé

Te voilà donc revenue
Ma vieille absence
Tu fondes sur ton vide ontologique
Ta philosophie qui dévide le creux du temps
Dunaire tu t’étends sur un désert d’invisibles mots
Vacuité sourde des pages infiniment blanches
Et ton regard privé de vie
Se perd au hasard
D’un horizon sans floraison

Te voilà donc revenue
Ma vieille absence
Mais cette fois je te le jure
Tu ne pourras pas
Nous enfouir
Dans ton rire stérile
Dans ton voile opaque
Dans ton vide délavé
Non puisque
Au sein de ma nuit se lève
L’aurore de son sourire
Car maintenant
J’ai la mémoire des aubes
Où s’enveloppent nos corps enserrés de serments
Et au bout de toi
– O absence –
La vie est promesse
De renaissance

***

11. SURSAUT

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Mon drapeau se trempe dans le sang anonyme
Des soldats en sabots à l’assaut de Valmy
Des martyrs inconnus qu’un flambeau veuf ranime
De tous ceux qui sont morts pour tuer l’infamie

Ami si tu entends dans l’ombre un bruit de bottes
Alors n’hésite plus parle crie hurle vote !

O mon pays ouvert où vont les quatre vents
Mosaïque moirée où roulent les marées
Port franc qui accueille le bateau immigrant
Quand la brume se lève à l’aube des idées

Ami si tu entends dans l’ombre un bruit de bottes
Alors n’hésite plus parle crie hurle vote !

Mon pays en trois mot sur le fronton du monde
Les droits de tout homme contre le feu le fer
Le doigt majeur brandi contre la bête immonde
Ce vieux serpent aigri qui naît de notre enfer

Ami si tu entends dans l’ombre un bruit de bottes
Alors n’hésite plus parle crie hurle vote !

Mon pays vit l’effroi en spasmes fous d’espoir
Acrobate il frôle l’abîme et le néant
Pour sauter plus haut au trapèze de l’histoire
Sa vérité vole de vertige en élan

Ami si tu entends dans l’ombre un bruit de bottes
Alors n’hésite plus parle crie hurle vote !

O mon pays sali par des mots sans vergogne
L’autre qu’on expulse la porte qu’on verrouille
Vois sur ce faux miroir ton avenir s’éborgne
Viens lave de tes voix la haine qui nous souille

Sur ton silence ami bruit la rumeur des bottes
Place sur la honte le bâillon de ton vote !

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***

12. VERS POUR UN PROCHAIN DIMANCHE

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Les urnes vides débordent dans les rues
Les bulletins tus se pendent aux tags des murs
Cette année le mois de mai s’habille en brun
Sous les pavés macère une marée noire
Le passé barbelé nous revient sur le même sillon rayé

La peur prend la proie pour l’ombre et invite le danger
Et le sang impur qui strie notre front
Porte les stigmates de la honte bue
Qui hante le petit Blanc

Mais pour celui-là
L’encre quotidienne devient miel
Le bois pâteux d’une langue piteuse
Lénifiant s’étale en onguent gluant :
« Il faut le comprendre
Il n’en peut plus
Il est à bout
Il crie au secours »

Comprendre qui ?
Le brave cow-boy du Klan
Sous les branches des pendus ?
Le fermier hardi de Pretoria
Sur les bancs discriminés ?
Le boutiquier avisé du Berlin d’autrefois ?
-Dites trente trois-

Comprendre qui ?
Ceux qui tranquilles
Fonctionnent au ralenti
Dans un monde qu’ils voient immobile
Comme un globe sous verre
Qui exécutent dociles
Les mots qu’on pense pour eux
Ceux qui pour soulager leur grippe
Nous injectent la peste ?

Comprendre ?
Non
Non
Non
Pas d’abstinence
Contre le fondement fripé de la bêtise
Contre la conscience étroite de la peur blanche
Pas d’abstention

Pas d’abstention
Pas d’abstention…

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***

13. PORTABLE

Bouée de son
Sur l’océan de l’absence
Les ondes de ta voix d’outremer
Valsent sur ce fil magique
Miracle cellulaire d’un murmure stellaire
Invisible destin qui nous tient
Promesses liées à jamais rescapées
Clapotis du cœur sur les vagues des mots
Insubmersible harmonie de notre rêve d’écume
Mouvant vitrail où s’émeuvent vers et serments

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***

14. PANTOUM

A mon tour d’essayer…

Dans le labyrinthe de l’absence
Mon vin naufragé s’égare en vers
Rescapé qui peint sur sa conscience
Un dessein qui se signe à l’envers

Mon vin naufragé s’égare en vers
L’oubli béant ouvre sans patience
Un dessein qui se signe à l’envers
A l’ombre du livre du silence

L’oubli béant s’ouvre sans patience
Je m’abandonne à l’espoir pervers
A l’ombre du livre du silence
Où gisent nos mots hurlés de pair

Je m’abandonne à l’espoir pervers
Pour que brûle l’encens de nos sens
Où gisent nos mots hurlés de pair
Sur la mer nouée de nos jouissances

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***

15. CE QUE DIT LE DJEMBE

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Vendredi 31 mai 2002
Après quinze heures trente
Dans une rue de France
Sous un ciel sénégalais
Mamadou Diop

(Ou Makhtar El Hadj Bouba
Ou Thierno Seck
Ou Babacar N’Diaye
Ou tant d’autres…)

Prend son djembe
Et marche dans la rue
Pour scander tout haut
Ce que pensait tout bas
La peau tendue :

« L’histoire est ronde
Comme un ballon
Et le destin vacille
Comme une toupie
Les hanches du monde bougent
Autour de mon djembé de joie
Pendant que dans les filets tombent
Les larmes des vainqueurs
Et leurs anciens projets de chaînes

Le boulet franchit la ligne
Au bout d’un jet de cuir
Pour nier l’horizon total
Les geôles de Gorée
La porte du sans retour
O que se lèvent
Nos bras victorieux
Nous les agenouillés de fouets
Et que s’envolent nos foulées
Ailées de zèle suzerain
Pour d’autres courses
Que des fuites éperdues
D’avance perdues

Gerbe de corps vaincus
Au pied du nouveau héros
Et que s’étendent
En palmes posées
Les sourires black
De tous les bananias confondus
Dans la chaux infamante des cités
Que l’insoumis relève
De ses dribbles maraboutés
Les enfants des boys des blancs
Les descendants des tirailleurs
Les fils des commis du commandant
Voici venir l’honneur oublié
Renié bafoué dépouillé
Mais renoué aux crampons
Du guerrier culotté
Voici l’ébène pure qui jaillit
Qui se sculpte dans sa danse
Etincelles d’instants
Sur le tapis du monde

O là-bas
Au-delà du temps
(Paysage d’autrefois toujours au présent :
Savane anémiée forêt impaludée
Sol de famine vie de vermine)
Dans chaque cahute que saoule le soleil
Un feu de brousse
Envahit les cœurs calcinés
Brûle de son baiser fou
La honte jetée comme un chiffon de suie
Adieu les « oui bwana » serviles
Morts dans les tranchées d’autrui
Fils maudits sacrifiés
O insolence du pied de nez
Athlète hilare
Qui bouscule l’histoire
O chance qui insulte la fatalité
Et renverse l’ordre des choses
Apprises et sues par force
Gauloiseries récitées
A coup de règles

O que je chante sur vos trottoirs
Vous les enfants
De l’explorateur des terres
Du trafiquant des chairs
Du missionnaire de l’enfer
Du commandant des fers
Et que j’arrache
De ma peau tendue de fierté
Le sourire affiché
De votre fair-play bafoué
Votre tristesse ravalée
Et que ma danse
Fasse briller d’envie
Vos yeux brumeux
Déshabillés

L’histoire est ronde
Comme un ballon
Et le destin vacille
Comme une toupie
Les hanches du monde bougent
Autour de mon djembé de joie
Pendant que dans les filets tombent
Les larmes des vainqueurs
Et leurs anciens projets de chaînes »

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***

16. QUAND TU REVIENDRAS

Le désert perdra son sens
Mes mots mûris de patience
Auront fleuri le silence
Quand tu reviendras

Sur les souvenirs qui fanent
Le ciel s’ouvrira les vannes
Se verdira la savane
Quand tu reviendras

Je rimerai l’air marin
Pour chanter sous les embruns
La tempête de tes reins
Quand tu reviendras

La nuit complice muette
Unira sous sa couette
Nus la muse et son poète
Quand tu reviendras

Soleil coupe-toi le cou
Pour avoir flambé beaucoup
Mon cœur brûle son licou
Car tu reviendras
Et je serai là

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***

17. SONNET DU VIEUX GRIOT

Ma princesse de sang au corps arborescent
Moi le scribe perclus par abus de jouissance
Je viens nu me courber pour célébrer tes sens
Et ceindre de serments mon verbe incandescent

Tu m’anoblis sans bruit sous le toit des sept ciels
Quand tout geste indécent se meurt d’être innocent
Dans l’opaque palais d’ombre d’ambre et d’encens
– O suaves senteurs d’une nuit essentielle –

Ma liberté se noie dans tes flots sans entrave
Je te solde ma vie mon corps mon âme esclave
Et en toi je m’enchaîne en toi je noue mes mots

Les cris de mes cordes ne sont que billets doux
Entends vibrer pour toi mes vers de vieux griot
Ma noble maîtresse née des temples vaudous

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***

18. ENIGME

Trouver du cercle sec la quadrature humide
La parallèle inique en deux points vagabonds
La pitié rectangle d’un Pythagore rond
Qui lorgne les courbes peu câlines d’Euclide

Résoudre l’énigme de ce Sphinx facétieux
Et marcher devant lui en prothèses de pattes
Comme un vieux scarabée qui se croit acrobate
Tandis que l’Œdipe se consume les yeux

Naviguer presque à vue dans un verre sans fond
En se heurtant au bar où sombrent les glaçons
Tel un Titanic saoul qui chaloupe en goguette

Sablier renversé temps perdu tu te tais :
Je veux recommencer pour toujours à jamais
Et oser des baisers que seul l’azur secrète

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***

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19. PALAIS IDEAL

D’après une idée originale du facteur Cheval…

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D’abord j’érigerai au ciel mon idée fixe
Un minaret oblong qui surplombe deux dômes
Flèche unique qu’arme vert le verbe de l’homme
Pour soulever mes mots vers ton corps crucifix

Un fronton repose sur les pensées crépues
De caryatides nues à l’ébène offerte
Leurs seins planisphères sont en état d’alerte
D’obscurs rêves naissent sur leurs bouches charnues

Des lèvres de parfum frôlent les sols persans
L’or d’un orgue répand ses longs baisers d’encens
Des chants aux voix moites insinuent leurs sévices

Princesse tu détiens dans ce palais des songes
Mon cœur captif esclave à ton service
Que torture et ravit ton amour qui le ronge

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***

(Forum des droits de l’homme
Dernière édition
Orléans 29 septembre 2002)

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20. LA CONTEUSE

Ses gestes parlent
Son corps volubile
S’évertue de mots
La danse dessine son visage
En esquisses mimées
Où le lion se tait où court la tortue
Ménagerie magique des contes d’antan
Que tissent les cordes du griot
Musique qui tresse ses images
Chant muet des hanches

Lèvres braises
Embrassant d’un coup
La savane qui brûle
Au bout
D’un incendie de regard
Pointe de feu
D’un seul doigt tendu
Vers la maxime morale
Du temps qui s’arrête
Face à l’inflexible sagesse
La leçon de permanence
La vie que fige un précepte
En une sereine éternité

Tu parles
Et tes mots lèvent
Tant de vieux rêves
Album corné des photos ternies
Tant d’espérances écorchées
Tant de baisers évaporés

Tu parles
Et flamme tu te dresses
Ravivant sans cesse
D’un espoir d’ébène
L’aurore survivante
Que l’horizon fait femme

***

21. C’EST…

C’est ton sourire qui s’ouvre en moi
C’est un galactique voyage au bout de mon rêve
C’est un jardin tropical qui bruisse d’odeurs et de rumeurs
C’est l’essor de ma vie qui vise l’infini
C’est mon cœur qui s’aiguise au biseau de ton âme
C’est le pinceau de ton portrait qui s’épanche en lui-même
C’est un voilier qui fait don de son mât à l’océan qui le secoue
C’est une tour Eiffel volée que tu tords dans des roulis africains
C’est un palmier qui se venge du vent et s’arrime sur des sables mouvants
C’est un feu qui lève sur la mousse moite du crépuscule
C’est la conjugaison évidente des verbes irréguliers
C’est ta bouche comme une aumône au noyé que tu fais de moi
C’est le bois sec de mon cœur brisé qui claque en toi
C’est le feu sacré que tu rallumes en nous et qui nous réchauffera tant que

Douanière de l’amour
Tu m’accorderas de tes mots mouillés le visa estampillé
Pour que je franchisse la frontière offerte de ta peau nue

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***

22. INSOMNIE

Je rêve de toi
De gestes de jais qu’enveloppent des mots moites
De soubresauts humides qui s’empaquètent
Dans les plis complices d’une moustiquaire

Je rêve de toi
D’un soleil adouci au lent tempo de tes doigts
De l’aurore endormie de ta peau nue
De l’aube abandonnée de ton corps ouvert

Je rêve de toi
D’un instant d’étincelles aux étoiles échevelées
D’un temps autrefois conjugué au présent
De cet inutile demain à jamais nié

Je rêve de toi
Du don humanitaire de tes bras sans frontières
De ton sourire de paume offerte ce baume vaudou
Pour les grotesques cicatrices de mon âme

Je rêve de toi
De ta blessure assoiffée qui s’épanche en moi
De l’absence incrédule qui soudain se remémore
De cet espoir essoufflé qui peu à peu reprend pied

Tu sais
Il pleure sur leurs villes
Et il pleut dans ma nuit
Mais même mouillés
Mes vers sont pleins

De toi

Je rêve de toi


***

23. TON ILE

Ton île
On en dit de belles
Sais-tu ?
Sur ton île

Chairs déportées sur champs courbés de cannes serves
Chaînes de pleurs qui plombent encore la mémoire
Histoire tue dont la honte pourtant se compte en millions
Corps déracinés qui se cherchent un berceau de glaise
Cœurs arrachés à la mythique terre vers laquelle se noie l’horizon
Océan aux houles dévêtues oublieux des cicatrices du fouet
Bain de sang où plonge un passé zébré comme une lanière d’écume
Plage des peaux nues revenues du fond d’un aller simple sans avenir

Ton île
On en dit de belles
Sais-tu ?
Sur ton île

Insatiable danseuse de la République
Maîtresse quarteronne des politiciens torves
Paresse alanguie aux horaires cocotiers
Indépendance rêvée au gré d’un volcan sournois
Quand les suffrages se figent dans la lave froide
Poings dressés fondus aux feux du verbiage
Pincée de tiers-monde dans la potion gauloise
Tornade échevelée de l’échec écorchant l’avenir

Ton île
Mais moi j’en sais
De bien plus belles
Sur ton île

Noce des sourires sous l’écorce des mangues
Déesses d’ombre vouées au vitrail mouvant du ciel
Palmiers rastas qui hilares zoukent sous le vent salé
Biguine déhanchée qui bizute en riant les lendemains rances
Paroles Natales du Poète posées sur le Cahier du Retour
Métropole terre neuve reconquise sur les renvois de l’histoire
Pour que Paris devienne la banlieue métisse du soleil
Et que dans une nuit insolente de rythme se lave l’avenir

Ton île
Je la vois belle
Sais-tu ?
Par tes yeux marins
Aux lèvres de poèmes

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Poème publié dans « Voyages et calligrammes, concours de poésie 2003 », association La Soie des Vers, Edition Gros texte

***

24. VOYAGES

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J’en ai tant pris de ces bateaux qui partent vers nulle part
De ces vers qui tanguent sur les houles molles des marées sans mémoire
De ces mots qui errent dans le bavardage vain des vagues velléitaires

J’en ai tant pris de ces départs au hasard brisé des vents perdus
De ces phrases qui se gonflent sous le souffle des métaphores
Et qui tombent épuisées dans le ravin muet du lieu commun

J’en ai tant pris de ces avions lumineus aux fulgurances d’écume
De ces romans fleuves ouverts qui d’un seul coup d’aile s’écrivent
Puis qui insipides se replient mornes sur une plage vide de tout caractère

J’en ai tant pris de ces epoirs éperdus qui s’érigent et montent
Montgolfière éclaboussante où se perche un destin ascendant
Puis qui d’une flatulence gazeuse fondent défunte faillite de l’éther

Pour où partirai-je encore vers quel vieux rivage de rêves ravinés
Quand le froid empaquette de givre la buée de mes murmures rimés
Dans ces matins giflés que le gel fige de ses longs baisers gercés ?

Quel nouveau visage à venir où se perdront mes mains d’exil
Saura offrir d’un simple regard la géographie épicée de son sourire
Pour que recommence alors la cérémonie de l’embarcadère ?

Poème publié dans « Voyages et calligrammes, concours de poésie 2003 », association La Soie des Vers, Edition Gros texte

***

25. VIRTUELLE

A celle qui accompagne
depuis peu
chacun de mes vers…

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Debout et fière
Lascive et sûre

L’intellect levé
Autant que le poing
Au bout d’une caresse

Epaules qui portent
Le fardeau du passé
Et qui l’éclairent
D’une aurore de paumes
Fruits accordés du jardin d’ébène

Ame forte qui sait
Ce que souffrir veut dire
Qui a appris la vie
Dans son cri primaire
Et ne se berce plus
De serments éphémères

Ame offerte
Armée de peau nue
Son corps est un don
Qui anoblit l’obscène
Dans des gestes purs
Que rien ne limite

Hanches lourdes
Qui restent sourdes
Aux interdits
Aux amours toujours
Aux amants gnangnans
Aux cœurs emmurés

Hanches qui versent
-Anses des sens-
L’alchimie des mots liquéfiés
Qui dansent dans l’instant
La messe des nuits mêlées
Aux longues cérémonies secrètes

Hanches de feu
Bûcher du temps perdu
Oriflamme de l’espoir
Dans un spasme conjugué
Au verbe de la chair
Où brûle la vanité
Dans un fatras de phrases
Poussées en vrac
En un seul cri

Ma princesse revenue
Ma sirène reconnue
Mon avenir dévêtu
Ma promesse entrevue

Eclat d’éclair
Où se sculpte l’esquisse
D’une éternelle beauté

***

26. AUTOPORTRAIT

Je suis un loup de vers un vieux rameur amer
La vague de mes mots sourit de son écume
Navigateur assis nocturne et solitaire
Je cherche des rimes que le hasard assume

Je suis un vieux voyeur un détrousseur de phrases
J’offre mon verbe nu aux feux noirs de leurs fièvres
Pour fixer d’un texte leurs hurlements d’extase
Quand la métaphore s’exhibe sur leurs lèvres

Je suis un vieux rêveur amant du temps perdu
Je jette au loin l’ombre de mes baisers mordus
Mes pauvres images mon bouquet éphémère

Mais je reste encore ce dévoreur d’espoir
Qui cloue sur le clavier de sa lourde mémoire
Les phrases filantes des étoiles sommaires


***

27. NEIGE

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Salaire de sucre sur fond d’éphémère
Brisures des cœurs qui pellent la nuit
Liquéfaction assurée des épures d’étoile
Stupre luxueux en flux de paillettes factices

Eternité abandonnée au vent des pleurs
Patience étouffée des désirs chus en mots pantois
Sueur du ciel qui fige son angoisse en gel
Stupeur évacuée aux longs soupirs d’innocence

Clin d’œil de lenteur sur tous les feux de l’enfer
Utopie évanescente d’une vieille virginité frigide
Tombeau lacté des limpidités instantanées
Nacre gaspillé qui se perd en larmes sur nos joues

Immobilité lente où s’évacue toute impatience
Chaîne impalpable où s’enlise la foule enfin tue
Impudente beauté qui se pend au nez du temps
Tu métaphorises l’avenir en grotesque bonhomme

Et tu es frisson dans un fragment de perle
L’aurore éclaboussante d’un rêve éberlué
L’évidente danse de la nudité de l’instant
Dans l’étincelle immatérielle des jours qui fondent

***

28. MUSIQUE

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Musique voix humide époumonée de fleurs
Portée flot tourmenté sur les plaies les blessures
Mélodie amère que la marée murmure
Vagues soulevées vers la sonore lueur

J’aurais voulu gratter le ventre des guitares
Ecorcher d’un archet les violons des sanglots
Frôler d’un long frisson la peau nue des pianos
Et puis exploser d’or les cuivres qui se marrent

Je m’écoutais chanter lorsque j’étais marmot :
Je mâtais du micro une foule en folie
Je forgeais des refrains qui donnaient le roulis

Mon orchestre muet s’est tu sans cris sans claque
Pour que dansent mes souvenirs je n’ai donc que
La houle de mes vers et leurs remous de mots

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***

29. APOCALYPSE

(Fond musical : adagio de la 9ème symphonie de Gustav Mahler)

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Le soleil rendra l’âme en éructant son or
Son sang s’écrasera en cris incandescents
Dans un bain de feu où s’effondrera l’aurore
Matin sourd de cendres silence lourd d’encens

Les nues s’étoufferont ciel suicidé de suie
Dessous d’acides pluies ivres de pestilences
Les rescapés hagards erreront dans la nuit
Héritiers barbares des succès de la science

La rage envahira les mers les océans
Un ouragan béant un gouffre de néant
Engloutiront nos jours sans recours sans retour

Bien plus tard des mutants nouveaux archéologues
Experts décrypteront de leurs yeux d’écrans rogues
Les vers fossilisés d’un poème d’amour

***

30. ENIEME RECETTE DU POEME

(Fond musical : « Quatuors » de William Sheller)

Pour poser un poème
Il faut bien cravacher et cavaler sur le clavier
Pour clouter à cor et à cran
Sur l’écran
Quelques mauvais mots
Soi disant complices
Mais remplis de lices et de malices
Qui dépassent nos piètres pensées
Car ils roulent comme des dés les sons
Et se moquent tant du sens
Qu’ils en perdent toute raison et détournent
Alors
Leurs échos sonores encore
Et crépissent de phrases folles les strophes
Mal toisées mal élevées mal rasées
Au hasard
Du pauvre poète moite de sueur

Pour poser un poème
Il faut quand même
Mettre un peu d’ordre
Dans le capharnaüm des consonnes
La voluptueuse licence
Des voyelles
Et leurs sulfureux hiatus
Il faut tenter
En chef d’orchestre balbutiant
D’harmoniser un peu le souk
-Vrai sac à pagaille-
De ces mots rebelles
Et enfin versifier ces voyous ces vauriens

Pour les mettre d’accord jusqu’au bout de la rime
On doit les raboter comme ferait la lime
Leur ôter tout accroc afin que s’éliminent
Les scories du verbe pour que le vers s’illumine

Ou alors les laisser nus
Sans corset ni gaine ni gangue ni cocon
Pour qu’ils gambadent libres
Ivres comme des vers qu’ils sont
Dans l’évidence de la grâce
Comme Vénus qui naît
Immanence pure
Eclaboussant le pinceau ému du peintre tremblant
Entre écume et désir
Sur l’universelle toile
De l’art absolu

Ami pose tes vers
Laisse donc le vent de ton âme
Les agencer à sa guise
Alors
Sache que
En symphonie d’images scellées
Ou bien
En concerto de couleurs ouvertes
Ce sera toujours
Le kaléidoscope tumultueux
De ton cœur
Qui gardera pour
Sa rime
Ultime
Le mot de la fin

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***

31. UN AN DEJA

Ton avion est parti
Sans jamais revenir
Et ton sourire reste à bord
Arrêt sur image
Baiser mordu du remord
Dont la cicatrice balafre ma mémoire
Jusqu’à aujourd’hui je vois
Ta silhouette sûre
Que mes yeux captent
Dans le détour dernier
Du regard humide de son au revoir
Et puis qui se démasque
En adieu

Un an déjà

Sais-tu que ton corps
-O magique souplesse du cœur
Quand tes hanches scandaient
Le gospel d’un paradis nègre
Les transes d’une danse vaudoue
Dont les lancinants chorus
Se fondaient dans nos sueurs-
Est toujours dans l’échancrure sanglante
De mes souvenirs sabrés ?

Un an déjà

Sais-tu que mes mots
Jamais ne t’ont menti
Mais qu’ils sont morts de soif
Au bord de l’océan utopique
Là où sombra
Le vaisseau fantôme
De nos désirs illusoires

Un an déjà

Je crois en toi
O mon amazone
Je sais que debout
Effaçant d’un geste guerrier
Tes larmes masquées
Dérisoire flot de vanité
Tu as vidé
Une nouvelle fois
La calebasse cabossée
Des eaux usées de cet hier faisandé
Et puis déjà pensé à rebâtir
La case nomade
Du lendemain

Un an déjà

Quant à moi
Je me lamente encore sur ce même clavier
Je bégaie toujours les mots futiles du dépit
Tu sais j’ai déjà posé mes pas
Sur tant de ruines
Que je suis devenu une espèce
D’archéologue pervers
Expert homologué
Des amours d’antan
Des horizons dévastés
Des passés élimés
Et d’un avenir de bruine
Où se meurt tout printemps

Un an déjà

Un jour peut-être
Un jour qui sait
Un jour
Le destin
–O celui-là est un drôle de malfrat-
Trouvera marrant
De remettre face à face
Nos vies mal recomposées
Alors nous insinuerons entre nous
Un piteux sourire aseptisé
Comme une virgule superfétatoire
Dans un poème de Guillaume

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Un an déjà

Pardon d’avoir frappé
A la porte vermoulue
Des cœurs perdus de vue
Mais sache
Que si mes mots s’enroulent de bleu
Encore –ô pauvre espoir-
Autour de ton doigt
C’est qu’ils sont à la fois
L’évidence du miroir rêvé
Et la vanité veule
De ma vie enchaînée
Mais tout ça
Je te l’avais dit
Il y a

Un an déjà

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***

32. SILENCE

Assez de ces pages éclaboussées de bruit
Où s’écharpent les mots en verbes qui vrombissent
Sous des rumeurs de vers en mal d’allégories
Quand l’orage explose en métaphores factices

Assez de ces portées qui vendent leur boucan
Dans des cors estropiés qui hurlent leurs poumons
Des archets décharnés qui fouettent jusqu’au sang
L’ivresse des violons cinglés de faux flonflons

Assez des symphonies aux rimes prétentieuses
Qu’offrent ces élégies aux harmonies scabreuses
Qui se complaisent dans des concertos bavards

Je veux le poème simple de ta peau nue
Afin que mes paumes par leurs paroles tues
Illuminent nos nuits d’un silence sans fard

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***

33. DIPTYQUE

1. POEME A L’EAU DE ROSE

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Un horizon rose roucoule d’oiseaux bleus
Le soleil se met en mauve pour la soirée
En mouillant d’émeraude son drapé de feu
Dans un décor palmé de sable satiné

Ils se tiennent la main leurs cœurs fixent le ciel
Leurs pensées sont pures loin de toute luxure
Et ne rêvent d’amour d’hymen au goût de miel
Que pour les sourires de leurs bambins futurs

2. POEME NOIR

Sur l’horizon moiré des mille et une nuits
Monte en bouquet le feu des preux artificiers
Et l’avenir ivre de tant d’or noir ravi
Purge sa nausée sur le sable satiné

Nos cœurs réversibles souples s’offrent souffrent
Car nous ignorons le destin de nos désirs
Et nous mourons noués dans cet instant de soufre
Où s’enivrent sans fin nos nuits sans avenir

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***

34. PAQUES

Un cierge s’érige où s’insinuent nos prières
Eperdus de passion face au divin calice
Nos corps noués en croix se plient au saint supplice
Quêtant l’extatique résurrection des chairs

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***

35. CHEVELURES

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Tumulte ocre en vagues aux volutes d’embruns
Flot d’aurore aux boucles d’écume au vent laissées
Marée mouvante où vont se pendre les parfums
Chute en onde de blé au souffle d’or lissé

Mèches d’ébène aux nuits tressées de reins en friche
Entrelacs que trament des transes de tendresse
Halo des sirènes noirs reflets des fétiches
Cascades qui roulent sur des hanches d’ivresse

Paravents opiacés aux sourires jasmin
Silences de nacre aux effluves de satin
Flots de jais qui frôlent la soie de seins d’ivoire

Muses vous nous tirez le cœur par vos cheveux
Couvrez-les de nos vers brodés pour votre gloire !
Mais Schéhérazade ne voile pas nos yeux

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***

36. LES HYSTERIQUES

Hymne altruiste
A accommoder avec une sauce
raï rap rock reggae zouk ou salsa

Je suis homme donc imberbe
Sur ma peau glabre superbe
Flotte un parfum d’after shave
Pour mieux respirer mes rêves

Je n’aime pas les barbus
Ces impies ces vils rampants
Qu’il faut épiler
Qu’il faut empaler
Sur des piques de piments
Mettre à cran ces fous du crin
Et puis flamber tout leur foin
Je n’aime pas ces gens-là
Il faut donc qu’ils meurent

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Je suis un brave barbu
Et par ma traîne chenue
Moi vieux chêne je démontre
Que mes racines remontent

Je n’aime pas les imberbes
Ces païens ces poux pédants
Qu’il faut écorcher
Ou écarteler
Au galop de cent juments
Afin que leurs chairs en tas
Soient dépecées en abats
Je n’aime pas ces gens-là
Il faut donc qu’ils meurent

Je suis un fameux mont chauve
Car mon plafond en bel ove
Trace ce cercle parfait
Où la pensée se repaît

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J’aime pas les chevelus
Ces judas ces rats luisants
Qu’il vaut mieux scalper
Ou décapiter
D’un rasoir bien défrisant
Leur mettre le crâne à nu
A ces poilus ces touffus
Je n’aime pas ces gens-là
Il faut donc qu’ils meurent

Je suis un vrai chevelu
Bien loin de ce monde obtus
J’écoute pousser ma vie
Là où nul ne coiffe autrui

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Car je n’aime pas autrui
C’est un goret une truie
Qu’il faut découper
Et puis faisander
En vieille viande fumée
Au feu au bûcher ardent
Tous ces types différents !
Je n’aime pas ces gens-là
Il faut donc qu’ils meurent

(Et tous de reprendre en chœur
L’hymne de l’hymen sans pleurs : )

« O mon miroir mon amant
Mon clone mon reflet franc
Je me réfléchis en moi
Ca me met tout en émoi » (bis)

(ad libitum…)

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***

37. DICTON

En avril
Ne te découvre pas d’un fil
En effet
Il est refait notre forfait

Ton exil
S’effile sans un coup de fil
C’est un fait
L’amour se meurt à l’imparfait

Volatil
Le désir détourne les cils
Et qui sait
Où soupire ton corps parfait ?

Pense-t-il
A notre chimérique idylle
Feu follet
Qui hante mes nuits sans reflets

Versatile
L’avenir fronce les sourcils
Et défait
Nos sept ciels d’un cinglant soufflet

Printemps vil
Tu mouilles ton mauvais profil
Cris sifflets
Huées vaines sur tes méfaits !

(Fin subtile :
Pour ce poème puéril
Vos souhaits
Viendront choisir le dernier trait)

1
C’est un fait
Il est soldé notre forfait
En avril
Je n’aurai plus tes coups de fil

ou

2
Fol avril
Tant pis si t’a perdu tes fils
Moi en mai
Libre je fais ce qu’il me plaît

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***

38. LEO

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Ils vont tous célébrer un deuil lourd de dix ans
Alors voici avec quelques larmes d’avance
Mes graines d’ananar mes gerbes de potence
Mon hommage en rimes qui crie merci Satan

Léo nous envoyait sa voix haut dans les voiles
Pour qu’en nous se remue une marée d’étoiles
La mémoire est la mer où s’échouent les images
Où vont se fracasser les violons des orages
Au bout d’une chanson aux rimes de raison
L’encre du drapeau noir hante notre horizon
Dans des notes rouges aux gorges déployées
Où rugit la forge des portées dévoyées
Piano qui versifie les cuivres des voyelles
Albatros au verbe qui hurle à tire d’aile

Léo offre encore ses vers d’éternité
Rappels en DVD aux sillons rameutés
Qui viennent réveiller le vieux diable d’antan
Déshabillant le deuil des souvenirs en sang
Des rêves dévastés des hoquets de l’histoire
Des pavés bitumés des remords sans espoir
Les tombeaux des héros peuplant le temps perdu
Les utopies cuvant toutes leurs hontes bues
Dans une paix armée scellée de sépultures
Quand se glace d’effroi le miroir du futur

Léo là haut ta voix jamais ne sera tue
Elle criera toujours cet amour éperdu
Dans ces baisers mordus des corps qui s’évertuent
A sculpter deux à deux un instant de statue
Dans ces spasmes d’émoi des femmes qui vibrent
Quand leur vertige fou se fout de l’équilibre
Dans ces mains orchestrées qui vous offrent leur nuit
Quand le silence nu nous nettoie de tout bruit
Léo nos vingt ans vains ne sont que des reliques
Mais nos vies s’allument de refrains ferréiques

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***

39. COQUELICOT

Un coquelicot
En long chorus d’amarante
S’étale calicot mouvant
Et hurle sa honte
Quand le vent s’empourpre
D’un désir vermillon
Qui souffle sa forge opiacée
Sur une épave de pavot
Dont les lèvres carmins délirent
Une bouffée de soupirs censurés

Corsage écarlate qu’effeuille
L’envie de drapeau levé
Slogan rouge
Que la foule déroule
Dans des colères cramoisies
Au verbe d’aurore
Cette marée au cœur grenade
Au temps des cerises
Incandescente chante
L’envie d’un bouquet
Qui ne soit pas de sang
Mais de soleil marié à la mer
Dans d’intenses noces nocturnes
Quand tombe comme pétales
Froissée d’amour
Ta robe de rubis
O coquelicot

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***

40. LE VIEUX BARDE

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Autrefois volage
La fleur de l’âge à pleine bouche
Mes rires défiguraient
Les pauvres percherons plombés
Des pâturages bien assis
Les génisses aux robes de soie sage
Lissées au foin le plus fin
Les chattes angoras
Aux pensées félines que taisaient
Leurs minois muets mais sournois

Et je chantais à tue-fête
Dans les banlieues grises transies d’ennui
« Les cocus au balcon »
Aux caniches bien pensants
Qui poussifs pansus et apeurés
Digéraient pieusement leur avoir

Mais te voici d’un coup
Poignard lisse qui me transperce de regard
O méchant miroir du matin cuvé
Me voici noyé dans la mousse acre
Du temps qui passe
Et qu’aucun rasoir n’effacera
After shave enfui
Parfum décliné d’antan
Qui ira raviver l’aurore d’hier ?

O merveilleuses muses du présent
Aux vers scintillants d’aube
Le savez-vous ?
Nous naviguons sur le même océan
Pour échouer aux mêmes rides
Plages inéluctables

O j’ai tant vécu
Que ma lyre s’embrouille de barbe
Mes mots miroitent de souvenirs
Et ne cessent de chercher cet instant volé
Où la mémoire sculpte
Un diamant serti de rimes
Une métaphore figeant de tous ses feux
L’image fugace qu’un poème imprime

Oui j’ai vécu tout ce que mentent les livres
Les Mille et une vies que Schéhérazade chante
Je suis un cœur rompu bardé de pages lues
O mes amis j’en ai connu du monde !
De Villon à Ferré
En passant aussi par ce pont où Guillaume
Pleure temps passé amours noyées
En vers amers au fil veule d’un courant sans fin

Alors vraiment de quel âge
Se chauffe mon futur sapin ?
Je l’ignore
Et pour longtemps encore
Je ne suis que mes mots masqués
Dans le carnaval éventé de la vie
Et mon loup de satin usé danse hilare
Car lui il sait
Que mon cœur Pygmalion
N’aura jamais plus de vingt ans

***

(A celle qui sait…)

41.

Je pense à toi

Comme on s’évade sur la faconde des nuages
Comme on escalade le vent farceur des mirages
Comme on perd son regard au hasard des mots
Comme on dessine au ciel un dessein d’oiseau

Comme on esquisse des rimes en collier sonore
Comme on tresse le fil osé des métaphores
Comme on scrute à nuit perdue l’image filante
Comme on cherche en strophe les étoiles qui mentent

Comme on pianote quelques quatrains qui sonnent
Comme on compose un sonnet aux notes qui s’illusionnent
Comme on dépose en vers des couronnes utopiques
Sur les cheveux dénoués de nos désirs lyriques

Je pense à toi

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***

42. ACTE DE TENDRESSE

Flamme volubile avouée au vent humide des fantasmes
Escalade rose vers les soupirs de pics extatiques
Labialisation de l’âme dans une émotion de neige moite
Langue universelle où fondent l’espace et le temps
Aurore aux lèvres de fumée blanche où dérivent les rêves
Toupie sans fin du cœur que valse un vertige sans fond
Insanité tue dans le velours lascif de l’innocence bue
Onguent de soie sur les anciennes cicatrices assoiffées
Nouveau cri né d’une septième symphonie stellaire

Farouche morsure d’aurore lactée
Eclat sans voix de l’ivoire incandescent
Languide offrande du palais des sables
Lenteur de la houle où va naître l’écume
Ascension salivée d’un récif de râles
Tabac des tempêtes aux tangages spasmodiques
Irruption obscène d’un soleil en nage
Orgue sucré d’une ancienne chanson de Serge
Nageur perdu de retour à l’embouchure originelle

Flambe
Etoile
Lascive
Langueur
Ardente
Tendresse
Inoculée
Onde
Nacrée

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***

43. ACTE DE TENDRESSE 2

Coffre-fort de myrrhe et d’encens où gisent les mots
Unique pensée qui s’offre une brousse d’ardeur
Nef voile vaisseau va geins sur l’océan des désirs
Nyctalope des caves au velours vibrant d’envie
Irisé d’aurores voici que s’ébroue le ciel en fusion
Libation de liqueur rare sur le livre rose des soupirs
Irradiation saine des chairs exhaussées d’électricité
Noces labiales où s’abreuvent les torrents bavards
Gorges océanes où se dresse l’esquisse des toiles tendues
Unique cri sous la parole tue en une vague impensable
Soif primaire étanchée enfin à la source essentielle

Conclave secret aux baisers de nuit complice
Univalve pensée de l’algue fondamentale
Noire bouffée d’ambre parcourue de fièvres
Nudité des phrases dans une savane moirée
Illumination dense des frondaisons sourdes
Langage perdu dans des échos d’écume vierge
Inconcevable voyage des chimères horizontales
Navigation à lèvre offerte aux errances du roulis
Gange magique où se maquillent les papilles
Universel élan sous l’espéranto d’une seule langue
Satiété hurlée sous l’orage bleu des anges extasiés

Chaloupe
Uvulaire
Nacelle
Noyée
Immergée
Langue
Intarissable
Noctambule
Gynécée
Unilingue
Soubresaut

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***

44. SONNET EROTIQUE

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« Viens ô ma douce sœur au regard d’amour tendre
O toi mon âme amie ma muse de vertu
Mon sourire latin au calice de cendres
Ce poème chante les promesses tenues

Viens le temps nous offre son bel horizon rose
Partons idylliques sur les flots du futur
Sans péril voguons vers le ciel qu’on nous propose
Vers cet ailleurs tout bleu des amours toujours pures

Partons ô ma compagne au bout de notre vie
Mettons nos doigts en croix sur nos cœurs convaincus
Ma mie scellons dans l’or notre avenir promis

Nous aurons des bambins coiffés comme des fleurs
Fruits de nos chants d’amour arpèges du bonheur… »

Prions les sept cieux pour qu’il survive invaincu

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Ou bien :

O amour que de détours pour te foutre au cul

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***

45. BLASON EN FORME DE BALLADE

Berceau de ronces couronné d’épines
Buisson ardent où la flamme s’écrie
Vaisseau du fantasme aux vergues salines
Cicatrice douce pour cœurs meurtris
Ravin aux souvenirs incandescents
Roue de la fortune en manque d’essieux
Spéléologue cinglé je descends
En cette cave où nous montons aux cieux

Algue où ondulent les nuits électriques
Prétexte lascif des guitares rauques
Des hanches qui chavirent de musique
Du saxo enroué aux soupirs glauques
Vers ce secret Eldorado princesse
Je chevaucherai héros audacieux
Pour me courber féal le cœur en laisse
En cette cave où nous montons aux cieux

Echelle où Jacob dégrafe la lune
Loto miracle effaçant la misère
Cendrillon qui se fout de la fortune
Cul de basse fosse où naît la lumière
Par toi je sais le bonheur souterrain
Vaincu par ton sourire malicieux
Je me soumets à ton cri souverain
En cette cave où nous montons aux cieux

Muse pour ce diamant noir qui m’obsède
J’ai fait ce chant que l’on dira vicieux
Mais la vie ne vaut rien si l’on n’accède
A cette cave où nous montons aux cieux

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***

46. SONNET CAFARDEUX

Orléans, place du Martroi, mois de juin

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La lyre du soleil étire ses arpèges
La symphonie des corps souffle un parfum salé
Et le ciel époumone un insolent solfège
En hurlant son bleu sur les nudités halées

Voici que la ville redécouvre la plage
Même figée de fonte la Pucelle bronze
Et son épée fait rire les pigeons volages
Qui pavanent leurs cœurs déplumés sur son bronze

Je bois l’ennui aux terrasses d’un juin frimeur
Je lis les vers d’hier dans un alcool boudeur
Et mes yeux brûlés errent dans ce décor morne

Soleil rends-moi la sueur de mes nuits d’antan
Quand l’ombre brûlait de son cierge lancinant
Les lueurs d’un sourire où mourait toute borne

***

47. UN JALOUX

Je suis jaloux

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Des regards si zélés de cette avenue aux cohues aux aguets
Des soupirs perchés au bout d’un œil mendiant ton amour
De ces solitudes malveillantes qui courent à ta rencontre
Du héros dentifrice qui brille en ivoire publicitaire juste pour ta conquête
Du cow-boy interstellaire qui de son laser braque ton unique cœur
Des voitures qui rutilent en riant de ma pauvre caisse au rabais
Du parfum de l’été qui fait vibrer les frissons d’un ancien slow
Du sommeil lourd qui capture tes yeux et tes soupirs
Du drap insolent qui sculpte l’indécente statue de ta beauté
Du verre que langoureuse tu absorbes dans de sensuelles gorgées
De chaque mets que tu aimes comme un délire anthropophage
Du soleil insidieux qui ose flatter ta peau d’offrande moirée
De l’air même qui impertinent te pénètre les poumons pour y souffler le feu
De nos souvenirs échevelés qui bordent mes nuits d’ennui
De nos étreintes qui me hantent et me poursuivent de leur fluorescence
De tout ce que tu penses ce que tu rêves ce que tu touches
Et qui n’est pas moi
Et qui n’est pas nous

***

48. SOUVENIRS

Les remords valent mieux que les regrets

Mon cœur était une orange
Bleue (*) comme nos nuits d’orage
Verte comme nos voyages
Grise comme ton absence
Blanche comme ton silence

Maintenant ce n’est plus qu’une écorce ternie
Qu’un salaud de soleil insidieux racornit
Qu’un ridicule oubli au vent de récidive
Brûle méthodiquement de mémoire vive

Tout mirage me démange
Je suis un désert d’images
Sec et sourd comme un veuvage
Absent comme ton fantôme
Pieux souvenir que j’embaume

Dédale d’insomnies où le passé me mord
Amant assoiffé j’ai préféré les remords
J’aurais pu transi poétiser mes regrets
Mais moi j’ai vécu au corps tes spasmes secrets

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* Petit clin d’œil à l’oncle Paul…

***

49. FIN D’EPISODE

Le soleil est ironique
Sur le béton il s’amuse à mimer l’Afrique
Il joue de la sueur pour déguiser mes pleurs
Et fait fondre ton silence sourd de torpeur

Adieu donc mon amazone
Mon corps nu n’est plus digne de tenir ton trône
Et banni failli souillé d’oubli je dois fuir
Quitter le souriant palais de tes désirs

Or ma dignité m’étonne
Je reste fier sous l’aveu de tes sens atones
Défait je souris face au feu qui me fusille
Vain coquelicot pour que mes mots se maquillent

Qui sait peut-être après tout
Notre amour ne fut qu’un vent vendu au Vaudou
Un souffle entiché de fétiches érotiques
Que la nuit ramène à de vulgaires pratiques

Nous nous en allons de nous
Malgré nous nos désirs éventés se dénouent
Et font tomber nos chimères sans auréoles
Qui vers d’âpres lendemains volaient sans boussole

Docteur tant pis ou tant mieux
C’est l’aveugle destin qui a fermé nos cieux
Mais crois moi la fortune est une roue qui tourne
L’avenir un jour nous fera une ristourne

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***

50. MONUMENT FUNERAIRE

C’est un mur tout blanc
Pâle de l’espoir de ceux qu’on fusille
Livide comme la peur qui hante
Ceux que scelle la perpétuité

C’est un peu de gravier semé
Comme une mémoire de Petit Poucet
Eparpillée en une vague pelletée
Sur l’immobilité ramassée

Ce sont des fleurs têtues
Qui offrent leurs gerbes couchées
Couleurs dolentes où se parfument les chœurs
Dans un halo de brume émue

Ce sont des mots gravés
Qui tremblent de leurs toujours
Qui soupirent de leurs jamais
Dans la vanité de phrases plombées

C’est ta photo à l’insultant sourire
Et les souvenirs humides des nuits
Ou des aurores je ne sais plus trop
Quand notre destin sculptait ses courbes

C’est tout ça et puis les cendres qui restent
Cet avenir que quelques vers insultent
Le coma étale de nos émois éteints
Dans le désert d’un temps dépassé

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***

51. POESIE

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Lèvre ouverte à la nuit des utopies soulevées
Paume nue pour peau dévoilée au vent des caresses
Souffle vert au parfum violet des visions gonflées de phrases
Silence bavard des volubiles mutismes à l’ombre des métaphores

Immensité des espaces qu’encercle un collier nacré de rimes
Bateau démâté qui fracasse ses alexandrins sur les récifs trop communs
Regard embué des aubes déshabillées sur des lendemains balbutiants
Communion charnelle des mots qu’encense sensuel le secret des sons

Espoir sans avenir des chants mitraillés par la rature des soudards
Hymne sanglant des horizons en lambeaux des révolutions soldées
Orgueil titanesque du poète exilé face à la rumeur océane qui s’en moque
Epitaphe dérisoire du Desdichado pendu ivre de chimères torturées

Sonnet lumineux où l’aveu timide rampe dans son cortège de vers
Ballade en pied de nez pour faire la nique à l’infidèle fortune qui s’en rit
Atelier sommaire de l’artiste du dimanche qui cloue de mots son clavier
Promenade en couleur dans les couloirs grisâtres de la mémoire

Fresque facultative des souvenirs où clignotent les lucioles
Ton visage lancinant avec l’auréole pure d’un sourire éteint
Traces noires des émois mis en musique sur des figures qui durent
Ce vieux sac d’images vaines tout ce qui me reste du fond de ton absence

Les cheveux de mes idées qui s’étirent sur mes larmes inutiles
Les fleurs que je vois tombent d’ennui sous la palinodie du verbe
Les symphonies que j’espère coulent comme un Titanic de carton
Je ne suis pas peintre je ne suis pas musicien finalement je ne suis rien

Alors je deviens ce matamore ce magicien à la petite main
Cet alchimiste prétentieux qui aligne ses signes de fourmi
Pour noircir l’écran de notes posées sur la couleur de ses délires
Qu’il rêve en émouvant vitrail dans l’aurore des âmes qui le lisent

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***

52.

La torpeur du bonheur

A l’ombre de l’arbre tutélaire
Ton corps de mangue offerte
Et l’aurore de ton sourire
Langoureuse évidence au don absolu
Et moites se nouaient nos licences
En un miraculeux secret
Dans la torpeur du bonheur

Or
Le parfum pimenté
De nos sueurs d’antan
Se brûle de larmes
Sur mon maintenant
Eventé

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***

53. EN MANQUE DE MOTS

Mes amis les mots il faut me reprendre en main
J’ai égaré mes virgules le flot du verbe
Tombe échevelé en cascade de quatrains
Sur une page que le silence désherbe

Mes amis les mots montrez moi l’azur magique
De vos métaphores qui gonflent de folie
Quand l’image déplie un papillon épique
Aux voiles mauves comme mon rêve aboli

Mes vieux mots vos pieds qui boitent sur le clavier
Vont de guingois ivres de leurs nuits avariées
A cloche-vers sur un poème au vin enfui

Mes vieux mots sortez-moi les sourires perdus
Croquez d’un trope inouï les courbes mordues
De ces anciens fruits que sans fin je versifie

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***

54. QUATORZE JUILLET

Sonnet en vers libres et rimes au balcon
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Les Bastilles qui s’effondrent sous la faim tricolore
Les sabots balourds qui vont piétiner les trônes caducs
Les voix qui se lèvent quand tombe le rasoir carnivore
Le drapeau qui trempe sa frange dans un sang sans perruque

La flamme de mes mots qui affronte l’eau de tes yeux
Ta peau vanille où s’écarquille mon cœur qui s’éclate
Nos amours cachés que secrètent les sueurs des sept cieux
Trois couleurs qui explosent sur tes lèvres écarlates

Les imbéciles qui applaudissent les cuivres prétoriens
Les flonflons des bals pompiers et leurs marches martiales
Quand la légion amnistie ses crimes d’un pas citoyen

Fête nationale d’une révolution avachie où sèche le temps
Face à ce vieux soleil témoin muet de nos émois d’antan

C’est le jour où Léo a mis les voiles vers la métaphore finale

***

55. SILENCE VACANCES

Les équations compliquées du bonheur négocié
Mes bouquets chavirés et la bouée de ton sourire
Et puis ce foutu fil d’Ariane qui finit en ficelles

Les espoirs inventés et leurs horizons démâtés
Les mémoires améliorées qui fantasment sur le vide
Le passé recomposé et son aigreur de parfum éventé

Les mensonges du corps et les songes qui s’y essorent
Les larmes des orgasmes perdus aux souvenirs fardés
Le vent de la mer et son pavillon d’algues rouillées

Le chapelet de mes mots comme un rosaire virtuel
Cet écran menteur qui nous montre en nous cachant
Cette forêt de sites et ses fées vouées aux mirages

Les artisans poètes sur l’artifice d’un clavier muet
Le vers humble que tortille tant son rêve d’étoile
Les images qui photographient les instants fluorescents

Le sablier du temps et son cortège de vent

Sur tout cela
Que passent
Comme cigognes
Sans vergogne
Les vacances
Et leur silence

Leur silence…

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5 commentaires »

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